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Temps passé

leoapwal69

Aujourd'hui les yeux clos, je regarde en arrière Sur les pas de ton dos, j'offre un coeur à l'hiver Aujourd'hui les yeux secs, j'éventre ma poitrine Je dessine un frisson, sur la peau blanche et fine Toutes ces nuits passées, sans dormir sans manger Ces jours sans respirer, ces heures en danger Tous ces mois de sommeil, de tourment permanent Semaines sans repos, illusion émanant De la fatigue ancienne, et qui pèse aujourd'hui Sur les jours et les nuits, d'une vie qu'on réduit Poussière de lumière, on oublie la parole Aujourd'hui les yeux clos, mon avenir s'étiole

Cette nuit, je me souviens de ces moments où dormir était le seul moyen d'oublier, d'éviter, quelques heures durant, de penser. Je me souviens de ces jours entiers, de ces semaines même, à peu près sans rien avaler. A me voir aujourd'hui, dormir quelques heures par nuit et me goinfrer de cochonneries, on pourrait croire que je vais mieux ou de mal en pis. En fin de compte, je crois que j'essaie juste d'oublier la vie. Parce que je m'ennuie, furieusement, dans la réalité. Alors j'accélère le temps, en dormant ou mangeant, en omettant l'un ou l'autre. Mais qu'importe, après tout ? Je suis encore en vie, et pour longtemps sûrement. On me demande parfois pourquoi je ne travaille pas, "tu pourrais te faire des sous pour te faire plaisir". Mais la réponse est simple : ça ne m'intéresse pas. Avoir un peu d'argent pour manger et offrir deux ou trois bricoles à mes potes, ça me suffit, et étrangement j'ai une pension pour ça. C'est moins de cent euros, et ça me suffit amplement. J'ai pas envie de m'handicaper d'un revenu, parce que ça ne me rendrait pas plus heureux. J'ai pas envie de me brider, de me bloquer, de me forcer à stagner à un endroit pour un p'tit boulot qui ne me plaira pas, de m'imposer des horaires réguliers et donc insupportables pour ma part, de tailler les veines de ma pensée pour me conformer aux décisions d'un quelconque chef qui n'en a rien a foutre de mes états d'âme. Je n'éprouve pas le besoin de me passer des chaînes au cou et aux chevilles, pour gratter quelques miettes de cette société de consommation. Oui je consomme, oui je vis en plein dedans, simplement parce que mes dernières chaînes sont les sentiments : je n'aime pas les humains, mais j'aime les gens que je connais. Et je suis incapable de m'en passer. Alors je fais quelques concessions : je dépense de l'argent et je vois des gens, je passe du temps dans les villes et je collectionne les idylles, je perds quelques droits et découvre de nouveaux endroits. Alors oui, je "perds mon temps", je "gaspille mon énergie", je "ruine mon avenir", ou tout ce qu'on veut. Sauf que je l'ai choisi. Et si j'ai pas d'futur, ça ne regarde que moi, parce que j'ai fait le choix de ne pas avoir d'attaches et que personne ne dépend de moi, à part peut-être mon chat, qui se contrefiche de savoir si j'ai un boulot ou pas. Ah non pardon, si j'en avais un elle me pardonnerait pas de passer autant de temps loin d'elle. Et c'est bien ma p'tite Anakyn la personne la plus importante de ma vie, actuellement. Je me fiche pas mal de savoir la vie que j'aurai demain, ou dans dix ans, parce que pour l'instant, j'essaie à ma manière de me construire une vie pour aujourd'hui. Aujourd’hui, je veux courir après ce qui en vaut la peine. Mon passé, je ne pourrai pas le rattraper, alors autant le ranger dans un coin et l’oublier un peu, le ressortir seulement de temps en temps comme un vieil ami avec qui discuter. Alors je vais poursuivre le futur, dans l’hypothèse où j’en ferais partie. Et si j'me ruine la santé, si j'me détruis le dos en dormant sur des parvis d'église ou des souches d'arbre, des sièges de train ou des tapis de potes, si j’éventre des principes à la con en couchant avec n’importe qui à m’en faire mal entre les cuisses, si je me fais mal au crâne et aux yeux en passant beaucoup trop d'heures devant un ordi, si je me déchire les tympans en mettant la musique trop fort dans mes oreilles, si je me dégomme les cordes vocales à chanter trop fort ou trop faux ou trop grave ou trop aigu même quand j’ai mal à la gorge et que j’crache mes poumons, si je m'arrache la peau des lèvres par je ne sais quel tic, si je me ruine l'estomac en avalant n'importe quoi, si j'me fais du mal en écoutant Dalida, si j'me bousille les neurones ou le reste du corps, eh ben, grand bien m'en fasse. Parce que justement, c'est le mien, de corps, et c'est moi qui vais devoir me le coltiner jusqu'à la fin de mes jours ou à peu près (enfin y a de fortes chances). Et autant qu'il me convienne un minimum, ou qu'il serve à quelque chose, comme encaisser les coups. "La vie est courte", oui, sûrement. Et j'préfère en profiter que de m'éreinter à la passer en bonne santé. La santé c'est une option pour moi, l'argent encore plus. Moi j'veux m'amuser, et là, j'vais m'amuser. Allez viens chéri.e, marions-nous au soleil et baise mes doigts à t'en rompre les lèvres. Allez viens, on s'emmène, pour s'aimer dans toutes les langues, et c'est la tienne que j'vais prendre. Allez viens, on s'arrache, prends ma hache dans ta gueule faut qu'tu saches que je t'aime. Allez viens, on s'en branle, demain on s'lèvera sans doute encore et c'est pas mon problème, demain j'veux partir encore et rire aussi, et chanter toujours. Demain, je chanterai encore plus fort, et après-demain, on crèvera à grands cris dans un ultime orgasme.


7 février 2017.

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