Oui j’ai juste eu une semaine pour me reposer après la Bretagne. En vrai, physiquement j’me suis senti d’attaque dès le lendemain de mon retour. Avec une seule envie : retourner en concert. Ça va, j’ai quand même annulé les vacances entre potes à la montagne, même si Vermeil jouait à côté la veille, parce que bon ça m’aurait fait trop. L’avenir nous révélera un fait surprenant, à savoir que même avec cette annulation, c’était encore trop. Oui ça fait beaucoup pour peu de repos, je sais t’avais raison. Toujours est-il qu’après une semaine à dormir, je saute dans le bus avec une poignée de nouvelles pyro’ pour les gens que je vais revoir et qui n’ont pas eu la leur lors de la distribution précédente (rapport au fait que j’avais pas connaissance de leur existence à mon dernier départ de chez moi). Avant de choper mon premier train, je fais un saut sur le piano de la gare, pour ne pas laisser à mes doigts l’occasion d’oublier comment on petitânegrise, puis tu sais quelques chansons à moi. Je réussis même à me foirer sur mes propres chansons, mais eh, you’re not doing it wrong if no one knows what you’re doing. Une poignée de minutes plus tard, je retourne me poser au milieu de mes affaires, et là un gars se saisit du piano et te fait des trucs incroyablement beaux et rapides et fluides et, fin un gars qui sait ce qu’il fait, quoi, j’te jure il utilise même les pédales (et je parle pas de moi). Je profite un peu, puis l’heure avançant je dois m’effacer pour trouver ma voie. La A, donc. Sur le quai, la personne qui attend à côté de moi est clairement un-e queer en partance pour la même destination que moi, on se sait (mais on ne se parlera pas).
Rien que dans le train pour Clermont, j’en repère plusieurs qui vont au même endroit que moi, j’arrive tardivement à caler mes affaire en équilibre sur un coin de siège. Une heure d’attente à la gare j’crois, un truc comme ça, et là c’est bon y a des punks dans tous les coins. Le premier «Apéroooooo» du fest est prononcé lorsque quelqu’un fait tomber une canette de bière qui se brise sous l’impact. Le train pour Aurillac est archi blindé, j’arrive par miracle à me trouver un strapontin fort inconfortable, oui j’ai eu l’idée saugrenue de n’arriver sur le quai que dix minutes avant le départ. Je somnole à moitié tout du long, il se passe des trucs mais écoute. Et puis ça y est, terminus, entrée en gare, descente. Mon index droit décide à cet instant précis de finir de casser sa pipe, euh son ongle, que j’avais pourtant soigneusement verni de rouge par-dessus la couche de gris métallisé, du plus bel effet sur le centimètre qui dépassait, et très raccord avec le reste de ma main droite, tout en gris métallisé avec juste une goutte de rouge sur la pointe, comme si j’avais saigné quelqu’un avec les armes qui me servent de griffes. Ma main gauche par contre c’est un florilège de couches hétéroclites, sûrement le seul truc hétéro sur moi (jusqu’à lae prochain-e pseudo-hétéro que j’ferai craquer, je suppose).
Mes punks me récupèrent, et là subitement ma torpeur s’envole et je pars en surexcitation immédiate. La fatigue et le stress, et d'autres trucs. On traverse la ville avec force cris et mouvements chelou, on arrive au camp, j’ai aucune idée de ce qui se passe mais je crois que je m’installe dans une tente et qu’on part voir un spectacle. C’est la répétition générale, y a encore quelques couacs, mais c’est intéressant, à part les stroboscopes et autres bruits stridents qui manquent de me faire partir en crise. Vraiment, prévenez au début des spectacles, pour les épileptiques et autres gens photosensibles, au moins. En sortant de là, les punks me présentent la seule personne du groupe que j’connais pas, je dis je te connais pas, il dit moi non plus, on dit wah on a tellement de points communs. Fun. Retour au camp, pause fouet lumineux c’est merveilleux, ah oui et avant ça j’me fais soulever, par punk qui me décolle du sol n’importe comment, c’est toujours comme ça, sauf que dans une pente y fonce sans voir que copain devant a pilé, y lui fait donc du rentre-dedans par moi interposé. En me soulevant y dit il est toujours surpris de à quel point je suis léger, et derrière quand punk va me soulever sa phrase sera «t’es extrêmement soulevable… euh».
Premier matin, sûrement. Ça s’lève doucement, tout le monde est déjà patraque. Faut dire, moi j’suis arrivé hier soir, mais les autres lundi dans la journée, et les chiottes et douches n’ouvrent que mercredi (donc aujourd’hui). Expédition chiottes, donc. Mais au retour, les deux autres font un détour par le magasin, moi j’rentre avec les gourdes. Sur le pont, quelqu’un stoppe et m’appelle par mon prénom (enfin, un des cinq en usage actuellement), ce qui signifie que je connais sans doute cette personne. Sauf que je mets bien cinq à dix secondes avant de réussir à reconnaître mon ex, je m’attendais tellement pas à sa présence en face de moi. Sur le moment je sais pas comment m’extirper de la situation, parce que sa première réaction quand je veux me barrer est de vouloir m’accompagner au camp. Ça, hors de question, tu me fais trop peur pour que j’te montre où j’habite et où dorment mes punks. Les minutes passent, je marche sur des œufs dans cette conversation, face aux manipulateurices tout ce que tu dis pourra être ultérieurement retourné contre toi. Avant de me faire engluer dans une nouvelle strate de perversion de sa part, y a mes punks qui passent, et me récupèrent parce qu’on a des choses à faire. Je saute sur l’occasion de me barrer, n’échappe tout de même pas à son numéro que je ne peux décemment pas refuser de prendre si je veux quitter la conversation, réussis tout de même à ne pas lui donner le mien. Je remercie les punks d’avoir débarqué au bon moment, leur explique qui on vient de voir. Au camp, nouvelle session de «j’te préviens y a Truc t’as pas plus envie que moi que vos chemins se croisent encore», ça stresse tout le monde mais écoute, moins que de tomber dessus par hasard sans être prévenu-e. (Spoiler : on se recroisera pas, ouf.)
Puis on tente de partir en ville, mais vu qu’on est cinquante (soit une petite dizaine), l’inertie de groupe nous bute, le départ prend trois heures et le chemin aussi. Moi qui avais prévu de soloter le fest comme l’an dernier, pour justement pas me retrouver englué dans cette fameuse inertie et pas en venir à détester mes potes de ne pas être moi, me voilà bien attrapé : les remontées traumatiques liés à mon ex m’empêchent de faire un pas seul, pour l’instant. On se balade sur le marché et on fait sûrement plein de trucs mais j’ai oublié, on va voir des trucs dont j’me fiche éperdument (encore une fois je suis pas là pour les spectacles), mais bref c’est sympa, juste bah j’peux pas rester en place, donc quelques minutes ça va, mais un spectacle complet c’est trop. Ou alors faut que ça me passionne. Bah en fait j’vois pas quoi raconter d’autre sur le mercredi, j’me souviens pas. Ah si, y a le moment où on se pose dans la rue des Carmes pour vendre nos Bricoles du Bois Perdu, ça intéresse les gens un peu surtout les patchs et les zines, jusqu’au moment où la pluie nous tabasse un peu trop la gueule du coup on remballe avec l’aide de quelqu’un qui vient de nous acheter des trucs, on s’abrite sous une bâche qui se trouvait là, apportée par des gens plus prévoyant-es que nous, et puis on prend la flotte tranquillement. Jusqu’à en avoir marre, on se bouge ailleurs, la pluie s’est calmée, on va voir un type danser, c’est marrant c’est pas le genre de spectacle qui nous intéresse à la base mais j’sais pas l’énergie du gars nous prend et on reste jusqu’au bout. Un couple de keupons arrachos vient se poser pile devant moi du coup j’vois plus rien, y sont mignons à s’rouler des pelles et à danser mais bon. Pis un type décide de pénétrer dans le cercle délimité par une chaîne, alors que c’est clairement la scène du danseur, qui le repousse donc rudement, et l’gars se plaint, bah mec faut respecter les artistes en fait. Oh et pendant qu’on avait notre stand improvisé à côté du stand improvisé de deux québécoises, lesdites québécoises ont dit que je ressemblais à Monsieur Tumnus dans Narnia. Me voilà flatté.
Après ça, on s’dit qu’on rentrerait bien au camp, qui pour se changer, qui pour juste larver dans le but de survivre. Une fois là-bas, j’me roule en boule dans la tente des punks et tape ma meilleure pls, rapport au fait que bon ça fait trop tout ça et j’me sens coincé parce que je suis assez teubé pour ne pas avoir pris mon k-way et ne pas savoir me servir d’un parapluie et puis j’ai peur que mes affaires dans ma tente soient trempées mais j’ose pas vérifier je vais donc attendre la mort sans bouger. Sauf que deux tentes ont été inondées, branle-bas de combat pour les gens en état de se lever, pls pour les gens morts. Je peux pas te raconter ce qui s’est passé ensuite, pour cause de moi j’étais parmi les morts. Ensuite les autres mangent, je pars me coucher, encore un peu d’angoisse et je finis par m’endormir.
Jeudi matin. Bah un peu pareil que la veille, ça s’lève doucement et j’ai peur d’émerger avant les autres, ça s’met en route en plusieurs groupes (dont un en vélo, parce que oui y a des gens qu’ont leur vélo, j’pense la prochaine fois je ferai pareil, j’suis trop handi pour ce monde) ce qui est une bonne idée sauf que y a du soleil je retourne prendre ma casquette et je m’active pour rejoindre les autres qui marchent lentement mais tracent leur route parce que si on persiste à tout le temps s’attendre mutuellement on va juste se détester à force de frustration. J’les retrouve dans le centre, puis on va encore super loin pour rejoindre Bottes de Queer un spot à spectacles recommandé la veille par quelqu’un pendant qu’on vendait, la personne a su nous le vendre en parlant de plein de choses, j’crois les burgers végé et en tout cas la bouffe végé ça a motivé les troupes, perso j’ai été conquis à la mention du karaoké (j’suis pédé oké). Bref on y va, ça a l’air fun mais on meurt déjà de chaud et comme un abruti j’ai encore pas pris ma crème solaire, fin elle est au camp quoi. En fait je t’épargne les quatre mille trucs qui me turlupinent et participent à mon angoisse depuis le réveil, déjà parce que je m’en souviens pas, ensuite parce que je me rends clairement pas compte sur le moment, je sais que ça va pas mais j’me dis ça passera.
Là on nous alpague pour le spectacle suivant, on se trouve une place fun mais en plein soleil, bah tant pis ça ira. Sauf que bah ledit spectacle commence dans un quart d’heure, et punk part poser des zines à la distro. Je reste donc seul en plein cagnard, à pas comprendre ce que je fais là, y a même un type qui vient se poser juste à côté de moi alors qu’il y a de la place partout. Pis les punks m’extraient de là pour me foutre à l’ombre, je pose mon sac à ma droite sur le banc pour laisser une place à punk qui décidément tarde à nous rejoindre, et j’me dis, pas si pire ça ira. Sauf que quelqu’un du staff nous demande de nous décaler pour laisser de la place aux gens, et moi j’ai plus assez de neurones pour répondre que je garde une place pour punk (j’ai déjà oublié) ni pour signaler que si j’me décale j’vais être derrière quelqu’un de pas-petit qui porte un haut chapeau et… Trop tard, j’me suis latéralisé par réflexe, et la place ainsi libérée est déjà occupée. Du coup j’vois plus rien, alors que c’est un spectacle de danse (pas que, mais principalement). Instantanément, je me désintéresse totalement de la scène, je suis juste saoulé. Fin non, pas «juste» d’ailleurs, c’est bien le problème. Parce que si c’était juste ça, je me mettrais ailleurs, sur le rang devant où y a que deux personnes mais en plein soleil, ou tout devant comme au début, ou sur un des tabourets des potes. Mais non. C’est trop pour moi, donc je me ferme pour survivre.
Et là sans crier gare, des bips. L’artiste entrecoupe ses danses de passages parlés, et dès qu’elle relance la musique, ça fait bip. Une fois, deux fois, trois fois, ça fait beaucoup mais y a plusieurs minutes entre chaque, je vais peut-être tenir. Jusqu’au moment où les bips s’enchaînent, quasi sans discontinuer. Alors je comprends le propos hein, c’est dans le thème du réchauffement climatique et de tout ce qui va devenir invivable, je sais. Mais moi j’suis autiste, et déjà en crise sans vraiment le conscientiser (ou l’accepter). Donc très vite les larmes me montent, je tremble de partout, et j’me fais extraire rapidement, pour m’effondrer quelques dizaines de mètres plus loin dans l’herbe en plein milieu du champ pour chialer en boule alors qu’il y a du monde autour. Ouais je sais je chiale tout le temps, mais déjà c’est presque toujours par rapport à des émotions extérieures (films, et surtout chansons), j’ai beaucoup de mal à pleurer de moi-même, et surtout, c’est jamais en public. Donc là je réalise à quel point j’étais dans le déni de mon état. C’est plein de facteurs à la fois, n’empêche que là fallait que ça pète. Mais t’inquiète, ce sera pas ma dernière crise du séjour. Franchement là c’est un florilège on a eu quasi toutes les sortes, joli tour d’horizon.
Quand j’arrive à émerger, on va chercher à manger, mais le stand de kebab végé ne propose que des trucs pimentés, c’est pas pour moi et encore moins par cette chaleur et en pleine crise, on trouve pas les fameux burgers végé, on déniche des pizzas mais y a une demi-heure d’attente, je suis pas en état, j’vais juste prendre des frites. On attend devant un spectacle de marionnette (oui une seule), j’ai pas prévu de m’y intéresser sauf que le gars réussit à me choper dans le truc, ça y est je suis à fond. Déjà sa voix est cool, et puis il dit des trucs comme «qu’est-ce qui se passe quand on répète tous les jours à un enfant qu’il chante mal ?», eh bah il pleure et il croit pas ses potes. Bref j’me reconnais trop et ça m’intéresse et là subitement il se met à CHANTER. Du coup je meurs. Et j’en oublie de mâcher ma frite. On va le voir à la fin pour lui dire que c’était trop trop bien, j’ai envie de revenir demain mais c’est loin. Et puis j’me barre pour retourner en ville.
À force de pérégrinations, il est bientôt l’heure du concert des copains, alors je vais traîner dans la bonne rue pour trouver l’endroit indiqué, j’galère un peu, et d’un coup quelqu’un surgit devant moi et me dit bonjour. Ah bah c’est les potes, pas les deux qui jouent mais une autre partie de la troupe, merveilleux. On se balade encore un peu parce qu’il reste du temps, et alors qu’on se dirige vers le spot, on tombe sur d’autres potes à elleux, que j’connais pas. Sauf qu’une des personnes ressemble vachement à un pote à moi, pas vu depuis bien quatre ou cinq ans. J’me dis faut pas qu’je lae fixe c’est trop bizarre j’veux pas mettre les gens mal à l’aise, pis si c’est lui il me reconnaîtra j’suis plutôt reconnaissable t’sais. On continue notre chemin, et au fil de la discussion avec punk on dirait bien que oui c’était mon pote c’était la même personne, j’envoie un sms on verra bien, j’espère il a pas changé de numéro depuis.
Et là c’est parti pour le concert ! Enfin presque. D’abord, bonjour à tout le monde, pis distribution de pyro parce que voilà. Fin pour celleux qu’en avaient pas déjà. Et hop ça guitare et ça chante dans tous les sens, spectacle vivant maggle. Et en full acoustique, aucun micro ni ampli, ça demande une énergie incommensurable t’as pas idée, alors on joue les choristes (ouais ok surtout parce que ça nous fait kiffer). Pis on s’déplace et wah jolie ribambelle de punks, et euh à un moment donné c’est fini. Quelqu’un d’archi stylé vient me dire que j’suis beau, bah écoute miroir hein. On prend le matos, j’transporte le panneau des Crêtes sur mon épaule parce que je suis un fabuleux humain-sandwich, et on se pose dans un coin d’ombre. Ça cause de Bretagne, et justement y a des gens en face qui vendent des crêpes, c’est marrant c’est mes voisin-es de camp. Marrant aussi, j’étais avec tout ce beau monde en Bretagne y a si peu de temps. On grignote, et puis ça repart en concert sauvage. Ça saute en l’air et tout, et puis j’sais pas trop mais c’est fun. Allez c’est fini pour aujourd’hui, mais punk réclame le rappel parce qu’il l’a jamais entendu en concert. «Bois bourgeois, mange bourgeois», on l’chantera toustes avec toi, bois musicien, mange musicien, on chantera jusqu’à la fin.
Aucune idée de l’enchaînement, j’suppose qu’il se passe encore tout plein d’trucs, et puis un coup on commence à rentrer, enfin rentrer façon de parler, on marche jusqu’à pas si loin de mon camp j’avoue (après faut le dire vite) mais pour se poser sur un parking, parce que y a la voiture dessus. À ce stade j’ai aucune idée du programme des prochaines minutes, mais attends j’ai pas raconté comment le trajet. Du coup bah on a beaucoup rigolé et été stupides, entre punk qu’a le panneau des Crêtes sur son dos fin sur son sac et qui manque de renverser des passant-es tout le temps, punk qui décolle un immense autocollant de stationnement et le fout sur la bagnole la plus proche, punk et punk qui euh j’sais pas j’étais trop loin devant, et moi qui bah qui suis moi quoi, bref très drôle. Eh t’as vu j’sais raconter hein, c’est vivant on s’y croirait. Et donc on s’vautre sur le parking, punk veut me montrer un groupe mais à peine y prononce le nom que j’commence à chanter la chanson, et pis ça repart à lancer la bouteille de flotte, j’te jure il se passe des trucs incroyables.
Puis punk part faire j’sais pas quoi loin, et avec les trois zigotos on s’entasse dans la caisse, alors y a le matos des zikos je rappelle donc fort peu de place à l’arrière, j’ai une jambe dans le panneau et l’autre à moitié sur punk, écoute ça passe, c’est pas comme si c’était la canicule et que moi j’étais un radiateur. On arrive à perpette là tu vois, p’tit quartier résidentiel tout posé, et la pastille qu’on vise est juste derrière, grande étendue herbeuse évidemment, grand chapiteau aussi, on va tout au fond loin du chapiteau, pour un spectacle archi cool de euh danse acrobatique poétique ? Je sais pas comment dire mais bref deux gars qui te racontent une histoire d’amour sans aucun mot juste en dansant des trucs impressionnants et rebondissants. Bref trop bien. Après on a faim avant le spectacle suivant, en bon handicapé je suis pas capable de faire la queue ni de manger comme les autres donc on va me prendre une pizza en express (c’est le stand d’à côté ça va), on cause handicaps et tout. Pis on part à deux au pestacle, les deux autres connaissent déjà, là c’est du clown acrobatique trop bien, on déglingue la pizza, punk nous rejoint en cours de route, je choure une frite giga bonne, on a le soleil couchant dans les yeux mais écoute c’est la vie qu’on a choisie. On discute un peu à la fin, fin surtout eux parce que moi je sais plus trop ce qui se passe, pis je finis les frites de punk, j’aime être une poubelle j’ai quelques soucis de grignotage.
Pour le retour, j’arrive à enfourner mes deux jambes dans le panneau, punk se plaint qu’il a encore moins de place qu’à l’aller, décidément les lois de la physique ne s’appliquent pas à moi. On pose la voiture, on retourne en ville, on se balade je sais pas trop, et puis on passe chez moi pour que je remplace ma casquette par mon pull, pour aller à un concert sur la rive d’en face. Eh mais par contre depuis qu’on a posé la voiture je suis déchaîné, faut dire j’commence à fatiguer donc c’est l’excitation qui prend le dessus, punk est à fond avec moi, ça fait rire punk, et punk reste en-dehors parce que ça fait beaucoup. Là normalement tu vois venir le problème que je vais bientôt avoir, mais attends. Le trajet jusqu’au camp vraiment je suis au bord d’être ingérable, mais je maîtrise encore, je suis encore là. Bon j’finis en calbute mais ça va. À ma décharge il fait nuit et des phrases sont prononcées. Enfin quand même, quand je finis en calbute en pleine rue, je sais très bien que c’est le signe que je commence à perdre le contrôle. J’ai l’habitude hein, j’ai fait ça dans toutes les villes où j’suis allé. Mais ça va encore. Pis PAF feu d’artifice. Ah bah là on est quatre avec les mains sur les oreilles et à plus rien voir.
Là je montre les bâche et j’dis c’est chez moi, et dans ma tête j’persiste à croire que eh, les autres seront pas là, ce serait quand même hautement improbable de tomber sur mes punks de camp à notre camp. Hein ? Ouais nan mais j’suis teubé cherche pas. Et donc, ce qui devait arriver arriva : mes punks sont là. Et moi j’ai mes punks d’un côté, et mes punks de l’autre. Et là c’est trop. T’sais ça m’a toujours déglingué le cerveau quand j’ai des potes de groupes différents qui se rencontrent, c’est deux mondes qui se télescopent. Là, non seulement c’est carrément deux groupes qui se rencontrent, mais en plus j’invite les punks chez moi tu vois, fin dans l’idée. Et voir ces trois zigotos débarquer à la maison, ça pète le crâne. En plus j’suis un peu deg parce que mes punks sont pas venu-es voir le concert c’est un scandale, en pleine journée j’aurais presque été en capacité de faire des présentations sans partir en couilles. Enfin sans le côté présentations parce que j’ai jamais su faire ça mais juste j’mets des gens en présence et j’leur dis aimez-vous. J’suis un réseau social les gens s’aiment sur moi. Bref, là c’est le soir. Le vrai, celui où y fait nuit alors qu’on est en plein mois d’août, donc il est tard. Et moi, j’suis pas du soir.
Donc à la seconde où je réalise que les punks sont là et que tout ce beau monde va exister au même endroit autour de moi, mon cerveau cesse toute activité. Je disparais. Je pars pas en pls ni en mutisme ni rien de cet ordre, non. Je pars dans ma meilleure surexcitation. Je perds totalement le contrôle, je n’ai plus aucune maîtrise de ce qui se passe, je ne réalise plus rien. Clairement, un état très dangereux, qui m’a mis dans tellement de situations craignos, mais j’vais pas partir en traumadump là. Presque tout ce à quoi tu peux t’attendre va se produire. Je me mets à hurler chaque phrase, à balancer des insultes affectueuses, à sauter sur tout le monde. Pour une raison qui à l’heure actuelle me demeure inconnue, je répète environ vingt-cinq fois que je suis extrêmement soulevable. Alors la raison de base c’est que le premier soir punk en me soulevant a dit «t’es extrêmement soulevable… attends», juste après le moment où punk en me soulevant répétait que je suis toujours surprenamment léger, mais là on est le deuxième soir et c’est devenu une blague récurrente ok mais normalement il faut un déclencheur. Et je suis presque sûr que là y en a aucun.
J’tape mes meilleurs zoomies tel un chiot, je grimpe sur des obstacles au hasard (dont des punks) tel un chaton, je peux pas te raconter le reste parce que vraiment j’ai aucune idée de ce qui se passe je suis un spectateur impuissant face à Taz le diable de Tasmanie qui prononce probablement plein de mots mais je n’entends qu’une bouillie pétaradante. Vraiment j’imagine pas ce que c’est pour les gens de l’extérieur, si déjà moi ça me déglingue les oreilles et le reste. Et j’ai honte. J’te jure, la honte me défonce. C’est la seule émotion qui arrive à exister dans ces moments, dans le coin de mon crâne que j’arrive encore à habiter. J’ai honte, parce que je n’ai absolument aucun pouvoir sur ce qui se passe. Et puis je voulais que mes potes se rencontrent, parce que c’est des gens cool et que j’aime bien, et au lieu de leur offrir de bonnes conditions, je suis juste le pire cliché de moi-même. Ça faisait longtemps que j’avais pas eu une crise de surexcitation aussi violente, digne de mes anciennes années. Le seul truc que j’ai pas fait, et que j’aurais fait à coup sûr avant ma mort, c’est de rouler des pelles à tout le monde. Aucune pelle ne fut roulée ce soir-là, en tout cas je ne fus impliqué dans aucune. Pourtant si j’avais été moins useless, oui parce que quand même mentionnons que je lâche à punk un «tu sais si tu veux me pécho faut le dire», à quoi punk répond tout naturellement «je te l’ai dit hier». Donc même quand on me le dit, je réalise pas qu’on veut me pécho, et même quand on me le répète, je pécho pas. Et après le gars y va te dire que personne veut le pécho, nan mais si t’étais moins con aussi. (Et moins dans le déni, bon.)
Arrivée chaotique au concert d’en face, on m’emmène aux chiottes, je me fous suffisamment d’eau froide dans la tronche pour réussir à redescendre. C’est là qu’on voit que je vais mieux et que j’arrive vachement mieux à me gérer et à encaisser les émotions : y a deux ans, j’aurais pas pu redescendre de moi-même, et aussi facilement (et encore moins avant ma mort, ça tombe sous le sens). Parce que du coup, normalement ce qui me fait redescendre c’est un autre type de crise, une pls ou un mutisme ou bref un truc violent, et j’ai toutes les peines du monde à m’en sortir après. Là, ouais j’me tape une petite parano (est-ce que j’ai été aussi abominablement insupportable que je le pense, est-ce que j’ai pourri la soirée de toustes mes potes y compris celleux qu’ont pas l’habitude de me voir comme ça, spoiler non pas à ce point clairement, c’est pour moi que ç’a été le plus rude), et un léger calme un peu triste («calme» dans mon registre de saturation), rien de bien méchant. Le concert est cool, mais je suis quand même pas très très là, la fatigue tape sévère. Je me retrouve subitement catapulté en l’air, sur des épaules hein, et avec les autres gens en l’air on s’fait coucou. Pour finir le groupe nous propose un rappel a capella, mais j’crois on a pas la même notion de a capella parce que vraiment iels ont un violon et d’autres instruments. Bref c’est une chanson plus tranquille, où les voix ont davantage de place. Après j’dis tranquille, c’est une vue de l’esprit, parce que ça gigote bien c’est fun. Extrêmement entêtant et entraînant. Et puis c’est l’heure pour moi de dire bonne nuit, et d’aller me réfugier au fin fond de ma tente.
Vendredi matin, aucune idée de ce qui se passe, peut-être que c’est le jour des sandwichs, ou alors c’est samedi. Attends. Bah nan sans déconner j’ai aucune idée de la matinée, je suppose qu’à un moment donné je finis par arriver en ville, mais comment et avec qui, c’est un mystère. Je sais que j’ai donné aux punks les infos du concert du jour, je sais qu’à quinze heures j’étais sur place, mais avant ça ? Ouais si, avec punk on se balade, je sais qu’à un moment on décide de manger. Bon bah on va reprendre là. On chope un truc à manger, j’crois c’est la veille j’ai acheté une guimbarde, bref on mange, puis on se balade, puis on se pose dans un parc, et là je vois copain que j’étais pas sûr d’avoir reconnu la veille ! Je le hèle donc, il vient se poser avec nous, c’est trop cool lui il était sûr que c’était moi et ça fait des années et juste on se parle normal c’est trop bien. Puis il repart rejoindre ses potes et nous nos punks, on s’assied à l’ombre contre un mur et là PAF les punks arrivent avec armes et bagages, enfin guitares et panneau. Petite tornade de bonjourage, puis je me remets contre le mur frais. Bon c’est un peu le bordel on est beaucoup je sais pas trop ce qui se passe, mais personne a l’air de m’en vouloir pour hier. Je montre la photo que j’ai prise de côté pendant que dans une rue y avait une photo de classe de chiens, adorable. Et euh après bah le concert commence, en plein cagnard c’est un enfer on saute en l’air, ça chahute un brin, on est des choristes, voilà. Tellement épuisant pour les musiciens qu’il n’y aura pas de deuxième session aujourd’hui. Du coup ouais on s’pose, on papote, on s’dit le programme du soir et puis on s’sépare parce que j’ai besoin d’une sieste et j’veux pas être le relou qui leur colle aux basques non plus. Rendez-vous à Turbo Love, que veux-tu que j’te dise.
Sur le chemin, j’ai envie d’un arrêt sous le pont qui chante, mais y a déjà des gens qui chantent et qui musiquent, j’vais pas m’incruster, mais on se fait interpeller on nous demande si on musique et punk dit que je chante, on se fait donc embrigader gaiement. Sauf que c’est des punks schlagos chaotiques québécois-es, je te laisse imaginer le bordel niveau interactions. La punk à violon est hyper énergique, son pote complimente un peu trop mes pieds pour que j’me pose pas de questions de type foot-fetish. Une des chanteuses vient nous saluer, familièrement fin avec un air de on s’connaît, du coup je lui demande si elle fait partie des scouts avec qui on a chanté l’an dernier, pas du tout on s’connaît pas. Elle a une vibe Esméralda miniature. Après plusieurs chansons improvisées pendant lesquelles nous on reste juste de côté parce que j’ai pas réussi à répondre à la question de je chante quoi, on finit par se dire eh, c’est des gens si chaotiques, si tu veux avoir ta place faut te la faire, jamais ça les vexera ni les dérangera, normalement c’est les autres qui font ça pour moi parce que je sais pas m’imposer, mais écoute là j’ai envie de chanter puis de siester, bah j’vais chanter puis siester. Et ça part. J’lance tout seul, et je chante, pis la violoniste finit par nous rejoindre, et allez on lui fout des émotions c’est ça qu’on fait. Puis on s’tape un petit Bella Ciao, avant de tirer notre révérence. Go la sieste. Ah oui juste avant d’arriver au camp je croise punk, t’sais on a discuté après le concert Excellento X RB, fin on a parlé de son chien surtout, bref je vois qu’il capte qu’on s’est déjà parlé mais me remet absolument pas, alors que moi j’le snipe dans la foule même de trois quarts dos.
Punk me dit y a du karaoké à Turbo Love, allez c’est bon tout le monde veut me jeter dans l’amour, c’est bon j’ai compris j’arrive. T’façon j’ai somnolé un peu, là si j’bouge pas j’vais m’faire chier. Je marche avec mon plan papier à la main, heureusement qu’il est là parce que je rappelle j’ai pas internet sur mon téléphone, parce que là c’est pas dans le centre-ville hein, et donc je maîtrise vachement moins. Je finis par arriver, j’retrouve mes punks aux chiottes, on passe toustes prio parce que bah que veux-tu que j’te dise on est handi, quelqu’un dans la file fait une réflexion sur le temps d’occupation de la cabine, on lui répond que bah oui c’est les chiottes handi en fait normal que ça prenne du temps, si ça te plaît pas tu te mets dans les files pas prio. Puis on se balade dans l’espèce de fête foraine, on aperçoit un camion Promotrans au loin, on fonce donc rejoindre notre promo (qui est cis ici, ça existe encore ?), on demande à une inconnue de nous prendre en photo toustes les cinq (bah oui, pas six, forcément) devant le camion, on est content-es de notre connerie.
Les punks arrivent aussi, on se rejoint dans la file de bouffe, enfin je leur fonce dessus d’abord parce que je les entrevois et je suis un gobelin ou je ne sais quoi, bref. Après on… ah oui on se perd de vue parce qu’il me faut un hot-dog, et puis on se pose là où iels se sont posé-es, on mange toustes ensemble. Je vois clairement deux groupes hein, écoute. Deux groupes dans lesquels j’ai ma place, deux groupes dans lesquels je n’arrive pas à la trouver ce soir parce que précisément je ne sais pas dans lequel aller, ni comment les réunir. D’autant que j’essaie de manger. Et si j’veux pas que toute ma bouffe finisse dans l’herbe avec moi, faut que j’me concentre un minimum dessus. Du coup je réussis l’exploit d’être solo au milieu de deux groupes de potes dont je suis le seul élément en commun (élément humain, je veux dire, genre le seul punk en commun). Punk m’appelle, ou me lance un bout de bois j’sais plus, bref me fait exister dans son espace que je rejoins, parce que ouais punk repère quand j’commence à me sentir mal. Je peux donc manger sereinement, puisque j’existe pour au moins une personne. Bon punk me lance beaucoup de choses dessus mais écoute c’est une communication que je comprends. T’façon moi pour me mettre à l’aise faut me taper dessus, le plus long crush de ma vie ça a duré douze ans et ça a commencé en maternelle parce que le gars a collé son front au mien et on a forcé comme des p’tits cons, et les pogos ça compte comme du repos.
Les punks partent à la fête foraine-tunning, je suis les punks au concert. Puis punk vient me chercher pour karaoker. Après quelques cafouillages d’orga, on fait La Java des Bombes Atomiques, les animateurices sont si hypé-es de ce choix qu’on gagne un autocollant tout brillant. Un coup, des gens derrière moi commencent à gueuler la chanson, alors je gueule plus fort. C’est seulement après avoir rendu le micro que j’me tape un petit malaise, normal. Et puis je retourne avec mes punks, pendant que les mien-nes (oui j’ai plein d’punks tu vas faire quoi) partent se balader et m’appelleront avant de quitter le spot pour que je rentre avec. Punk me signale le passage d’une étoile filante (en vrai j’sais plus à quel moment, je sais juste que j’adore les étoiles filantes mais celle-là je l’ai loupée). Un peu plus tard, instant cocasse : punk m’appelle, iels ont commencé à rentrer pour cause de surstimulation, et m’ont oublié. Tout va bien, j’suis avec mes punks, et là y a ma cousine qui m’dit qu’elle vient à Turbo Love ! Du coup bah voilà on existe tranquillou et puis elle arrive me rejoint et on est content-es et j’la présente, juste aux deux punks autour de moi parce que déjà les autres sont plus loin et en conversation et aussi j’les connais moins. Puis la fatigue, ma cousine rejoint ses potes, nous on s’lève et on commence à rentrer, on dit au revoir à celleux qui partent en voiture et ne seront pas là demain et on sait pas quand on se reverra, et puis je dis au revoir aux dernièr-es, et puis je prends la route solo à pieds (punk me demande si ça va aller, oui je connais le chemin c’est tout droit et puis marcher ça va), et je souris.
Subitement, juste après un pont, et vraiment je marche depuis cinq minutes, un gars vient vers moi, tout jeune tout perdu tout mignon, il me demande son chemin. Amusant : il va là où dorment les punks, du coup je sais effectivement où c’est, et je lui montre sur mon plan papier. Il a plus de batterie sur son portable et ses potes lui ont donné rendez-vous devant un supermarché mais vraisemblablement pas celui où on est, bref au final on fait presque tout le chemin ensemble, jusqu’au rond-point où nos routes se séparent, lui part à droite et moi j’ai encore cinq minutes jusqu’au camp. On a bien discuté en route, il s’appelle Gaël, et au moment de se dire au revoir j’ai eu une hésitation à lui demander son numéro (pouvais pas lui donner le mien vu qu’il avait pas de batterie), mais je me suis dit si on doit se recroiser on se recroisera, là c’était juste une rencontre de l’instant, c’était bien, c’était éphémère, pas besoin de la retenir de tous mes doigts. Bon, je l’ai pas revu, et c’est pas grave (si un jour l’univers décide de le remettre sur ma route, ça voudra dire qu’il me faut son numéro). J’aime bien ma mentalité. J’aime ma vie.
J’arrive au camp, les punks sont en pleine partie de jeu de société, je m’ajoute et participe de manière hasardeuse, oh et j’arrive avec le sourire. Parce que oui pendant ce festival j’ai fait le tour de mon panel de crises, mais j’ai aussi beaucoup souri. J’ai souri fort, délicatement, violemment, timidement, candidement, lentement, furtivement, par surprise. Puis punk nous lit un conte, très surprenant sur un moment particulier, genre le conte très répétitif et facile à suivre mais d’un coup le personnage principal crie littéralement qu’il va buter des putes, ah bah vraiment on l’avait pas vu venir. Et après c’est parti pour le dodo pour tout le monde, c’est-à-dire moi parce que aucune idée de ce que font les autres.
Samedi matin c’est violent. L’épuisement, l’enchaînement, tout, je sais pas. Toujours est-il que quelques petits détails me chiffonnent un peu plus que de raison, et je sais pas l’ambiance est bizarre. Je ronchonne silencieusement, solo sur ma chaise (oui on a des chaises, ce campement est beaucoup trop bien organisé, pas grâce à moi), jusqu’à me dire mais attends, au lieu d’être saoulé ici, j’ai qu’à me barrer. Du coup bah j’me barre. Et ça va mieux. Je marche seul, avec plus personne à qui faire la gueule. Aucune idée de ce que je fais en ville, à un moment j’me pose devant un spectacle, quelqu’un vient me filer la fin de son repas végé, ça tombe bien je soupçonnais qu’il allait me falloir à bouffer mais décider quoi manger c’est trop compliqué, ça me donne un bon répit avant de devoir m’y résoudre. Et puis j’sais pas, la vie. Je déambule au hasard des rues et des artistes, je m’arrête et repars, puis tombe sur une placette où un Quartet Buccal répète sa session. «Impertinence féminine a capella». Bah écoute j’me pose malgré la pluie, moi ça y est j’suis conquis. Et puis je reprends ma route, finis par me diriger vers une des entrées du fest pour rejoindre punk, croise les punks sur le chemin, pas le mood donc je reste pas, puis je retrouve punk. On part en quête de toilettes, atterrit dans un café-manga, se pose un peu. Puis retour dans le fest, punk enchaîne les gags et j’me marre, on croise un spectacle en tentant de rejoindre ses potes. On se fait happer en fait, des acrobaties comiques saveur meurtre accidentel, merveilleux.
Puis on retrouve ses potes, on se balade, on part à un truc, iels prennent à manger j’ai pas faim (ou plutôt je suis incapable de me décider pour de la nourriture et la surstimulation m’empêche de m’immerger dans le procédé), on papote. Puis je les laisse à leur spectacle et leur temps ensemble, à bientôt, et je file vers Bottes de Queer et son karaoké. Sur le chemin, j’arrive à joindre ma cousine, la rejoins sur une place pour danser avec ses copines. C’est beau la vie. Je pars encore à perpette, des gens me demandent leur chemin en Anglais, et vont presque au même endroit que moi, puis d’autres à qui j’indique la même chose grâce à mon plan et précise que les gens derrière y vont aussi. J’arrive au truc, et là, symptomatique de mon état : je sors ma carte handi, alors qu’il n’y a personne pour m’accompagner. Si t’as pas la CMI, tu n’imagines peut-être pas comme c’est dur de l’utiliser. Puis je rejoins les punks, qui déplacent les gradins d’un spectacle. Et puis le karaoké, on chante Les Hommes que j’aime, à trois puis quatre, on s’éclate. Je fais ensuite mon p’tit malaise prévisible, hèle les punks pour qu’iels me portent jusqu’à un coin calme, iels se passent le relai et finissent par me poser sous une tente prévue à cet effet. Je vais pas te raconter ma crise parce qu’il y a eu des trucs très compliqués à gérer, en vrai ç’a été mi-cool mi-traumatisant. Écoute, chacun-e ses crises. On me prend une pizza pour la survie, y a plus de boîtes donc je mange sur un bout de carton sorti d’on ne sait où, qu’on rend ensuite, puis une première équipe rentre au camp en bagnole. J’en suis, bien sûr. On chante le trajet, c’est beau. Sur un malentendu, j’atteins mon lit, et m’effondre.
Dimanche matin, c’est le jour du départ. Et donc, des préparatifs. Donc, de l’orga. Pas mon rayon. Je rappelle que mon degré d’orga, c’est : je prévois d’arriver pas trop loin de l’endroit que je vise, si possible encore en vie, et puis après on improvise. Mais pour l’heure, je suis le seul réveillé. Puis punk émerge, et m’entraîne en date-chiottes. Ah oui j’ai oublié de raconter le moment où je fus embarqué dès le deuxième jour dans un «Tu veux pas être transfem aujourd’hui ? J’ai la flemme d’être la seule transfem du camp» (j’suis non-binaire à tendance genderfluid agenre, c’est pas comme si j’étais un homme ou une femme), ainsi les chiottes d’en face ne me virent entrer dans la partie hommes qu’une fois, le reste du temps j’ai fréquenté la partie «femmes et/ou personnes queers», j’avoue j’me sens davantage en sécurité même si des fois on m’regarde bizarrement. Et donc bref, de retour au camp on bavasse, punk peut pas faire ses affaires vu que ses camarades de tente dorment, moi j’en ai pour un quart d’heure donc osef j’verrai plus tard, on peut pas chanter non plus mais j’montre mes chansons. Puis les autres commencent à émerger, et très vite le mood prépa monte, ce qui empire drastiquement mon mal de ventre, mon anxiété et ma nausée. Ça atteint des niveaux violents, je finis en pls sur une chaise au milieu du remue-ménage, à plus savoir comment je m’appelle tellement j’ai envie de vomir. Le vertige de «je vais gerber», je connais, il est horrible. Je mets toute ma concentration dans : me retenir. Le reste n’est que brouillard. Je peux pas te dire combien de temps ça dure, le camp se démonte peu à peu, heureusement j’ai réussi à faire mon sac avant que ça me mette par terre. Au bout d’un moment, punk m’accompagne à la voiture et me range dedans.
Bizarrement, en équilibre dans cette bagnole en plein cagnard, avec de la tekno boumboum juste à côté, j’arrive à faire redescendre mon angoisse et ma nausée. Alors que, je rappelle, la tekno et tout, ça me file la gerbe (c’est pas une façon de parler, c’est physiquement douloureux). Bon j’exagère, là c’est pas de la tekno boumboum, enfin si au début mais ça part juste en électro, ce qui est loin de me faire du bien mais ça reste moins violent que l’intensité d’orga au camp. Peut-être je pleure un peu, je sais plus. Puis je vais aider à transporter les affaires, c’est tout ce que je peux faire. On charge, enfin les autres en tout cas, on a les modif’ de dernière minute de qui va dans quelle voiture, le dernier passage aux chiottes, je sais plus trop quoi d’autre. Puis montage en bagnole, une meuf vient me voir à la fenêtre pour dire que ça fait plusieurs minutes qu’elle phase sur ma barbe parce qu’elle est trop belle, arrêt gonflage de pneus, on cligne des yeux le temps de se faire un sandwich et paf punk est encore en train d’aider des gens. Je trouve un hébergement à punk pour ce soir, et y a aussi punk qui me sms pour un hébergement à l’autre bout de la France, décidément l’orga a décidé de me poursuivre. J’me souviens fort peu du trajet, rapport au fait que comme tout le monde je suis épuisé, et en plus j’ai pas eu vraiment le temps de me reposer de mon dernier punkage. Du coup bref voilà retour maison et maintenant il s’agirait de dormir. (Spoiler : le prochain concert c’est seulement une semaine plus tard, et j’vais faire un malaise.)
21 août et 1er septembre 2024.
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