J’te préviens direct y a plein de trucs que j’vais pas te raconter parce que j’ai pas envie d’te raconter, parce que c’était des trucs juste dans l’instant, et justes dans l’instant.
Et pour te résumer la situation : c’était absolument GENIAL et FORMIDABLE et j’ai archi mal partout tellement c’était bien, du 17 au 19 mai là on est le 22 et j’en ai encore le vertige (littéralement, et la nausée, normal). J’ai tout donné, j’ai tout reçu, je meurs.
Alors. Tout commence un certain jeudi matin, vingt-huit ans après ma naissance, qui a elle-même eu lieu un jeudi, justement. Rappelons que mon anniversaire est un jour difficile, rempli de trauma’ (et d’attentes toujours creusées). Les dernières occurrences m’ont vu me barricader de plus en plus, couper tout contact avec le monde extérieur voire avec la vie. Mais cette année, c’est différent. Tout est différent.
Jeudi 16 mai, donc, vers quatorze heures (précisément l’heure de ma naissance, justement), je monte dans un covoiturage dont le conducteur porte le même prénom que mon cousin (j’ai un COUSIN !!! j’ai une FAMILLE !!!). Assez exceptionnel de trouver un covoit qui va de juste à côté de chez moi à tout près du coin perdu du fest, j’suis ravi. C’est parti pour bien cinq heures de route, avec mon sac sur les genoux et le stress qui redescend. Parce que oui, je stressais surtout de louper mon covoit, ou qu’il veuille pas de moi ou j’sais pas. Mais me retrouver à presque six cents bornes de la maison, pour dormir dehors à deux, et me retrouver parfois seul au milieu d’une foule de punks enragé-es, sous le cagnard ou la pluie battante, ça, ça va. N’importe quelle autre foule, ce serait la crise d’angoisse perpétuelle assurée. Bref, le conducteur et son mari papotent surtout entre eux, ça m’arrange je suis pas très capable de comprendre ce qui se passe, j’explique quand même que je pars en festoche punk dans ce trou paumé. Communiquer, c’est compliqué.
Et puis j’arrive chez les parents de mes potes, sans mes potes, pour passer la nuit avant de partir à l’Arsenal. Très étrange de rencontrer les parents de gens sans les gens. Je me retrouve attablé devant une bonne bouteille de jus de pomme, la Normandie ça a du bon (team Bretagne nonobstant). Et dans la soirée, le repas se finit sur un gâteau d’anniversaire parce que mes potes avaient prévenu leur mère et que le beau-père est pâtissier si j’ai bien tout suivi. J’ai eu des messages d’anniversaire de ma famille aussi. Bref, le plus bel anniversaire de ma vie, jusqu’ici. (Oui je sais, les autres ont placé la barre très bas, mais quand même.)
Vendredi matin, je papote avec un gosse de trois ans, il trouve que je ressemble à un morse avec mes piercings, on se roule par terre. Eh j’ai moins peur des enfants t’as vu. Mais tout ça nous mène à l’après-midi, où je me fais déposer au festival, pile au même endroit que ma pote. Et c’est parti.
Ok c’est là que ça va commencer à être le bordel et j’vais raconter n’importe comment, mais t’es là pour ça écoute. Ma pote a une tente, j’ai des tapis de sol, à nous deux on a un set-up complet. On monte la tente à cent mètres de l’entrée du fest, y a vraiment personne cette année on dirait. On a un banc rien que pour nous, juste à la sortie de la tente, et beaucoup de bouillasse. Ah oui, la météo prévoit des torrents d’eau, ou à peine de petites averses en soirée, selon les sources. Source, eau, on est bon.
Fouille à l’entrée, bien sûr le bipbip sonne à tout va, frère on est des punks nos fringues sont à au moins trente pour cent métalliques. Du coup on entre. Mais les vigiles retiennent la leçon, le lendemain le bipbip est éteint ou réglé au minimum. T’façon y disent bien que tu peux rentrer avec ce que tu veux, la fouille c’est pour le principe, de la dissuasion quoi. Et donc, le village est pas très intéressant, la scène est vide pour l’instant, mais voilà on fait le tour. Très envie d’une banane, elles sont jolies la mienne est trop blanche et trop basique, mais bon j’vais pas sortir vingt balles maintenant. Y a trois stands de fringues hippies, et trois ou quatre stands de bouffe pas bon marché. Qui a organisé ça ?
Passage à la buvette pour échanger quelques euros contre la monnaie du fest, je m’illustre déjà par mon talent à ne pas savoir choisir. Et là. LA. Juste derrière la buvette, un stand de tatouage. On s’regarde, on regarde, et on sait. Oh bien sûr, on fait genre on va être raisonnables c’est pas une bonne idée et tout, mais là y a sous nos yeux une marées de flashs drôles ou canon ou bref le fun, j’ai pas cru une seule seconde qu’on allait réussir à se retenir (malgré les souffrances de nos portefeuilles). Alors on s’dit, on va pas se faire tatouer ce soir sur un coup de tête, on va attendre demain pour le coup de tête.
Les concerts, tu me diras. Eh bah oui, les concerts, parlons-en. Ou alors, parlons des gens qui viennent nous parler. J’adore les punks. J’me souviens pas du premier groupe, un gars tout seul, mais après c’est la meuf qui joue du piano (TF Eliz), j’adore le piano et là elle fait du punk au piano quoi. Après ça part sur des punks belges, archi cool et première vraie claque du fest. Bon d’un côté j’vais pas te faire la liste des groupes, tu peux retrouver sur internet, ouais nan t’sais quoi j’vais quand même le faire. Radio 911 donc, bon délire, on est dans l’ambiance. Derrière ça enchaîne sur les Wampas, un peu déceptif genre c’est sympa mais je m’attendais à être pris aux tripes parce qu’on m’en a trop parlé, et en vrai rien d’incroyable, en même temps les gars vieillissent quoi. J’dis rien d’incroyable, bah à part le jeu scénique du chanteur quoi, ce con vient se balader dans la foule et y a un gars dont le taff c’est de le pêcher à la ligne, il tient le câble du micro pour pas perdre son chanteur c’est marrant, il nous marche sur les mains ou pose sa chaise sur les mains du public j’te jure c’est si fun de voir un vieux keupon marcher sur la foule qui saute. Mais grosse impression que le gars se tape juste un délire mégalo, y a certaines chansons qui, bon, bref. Brûlez vos idoles (ça tombe bien j’en ai pas, mais j’adore cramer des trucs alors j’peux le faire pour toi, c’est parti j’crame les idoles des autres). Ah pis il a son moment boomer évidemment, il invite une gamine sur scène et lâche quelques phrases sur ah j’sais pas si j’ai le droit de dire elle ou il ou iel hein hahaha qu’est-ce qu’on se marre c’est génial la transphobie et l’enbyphobie. Tu vois Loran son côté boomer c’est au sujet d’internet et des RS, et en vrai j’suis en grande partie d’accord avec, juste bah il se rend pas compte que de nos jours c’est essentiel pour plein de gens, tu grandis au fin fond de ta campagne non ariégeoise ou chez des parents qui t’empêchent de sortir, bah t’es bien content-e d’avoir les RS pour punker quoi, mais bref, boomer-Loran c’est pas tellement sur des trucs oppressifs, du coup tu grinces un peu des dents et puis t’écoutes le vieux raconter des trucs que tu vivras jamais. J’dis pas hein, il a des défauts et y a des critiques à faire, mais globalement il est pas trop dans le jugement ni dans des bails oppressifs. Là où le Wampas, il tape fort, quoi.
J’peux pas te raconter les interactions avec des punks, déjà y en a à la pelle mais aussi j’me souviens pas forcément des sujets et tout, pis même c’est pas racontable tu vois. Mais bref, y s’passe des choses. Sauf qu’aussi il se fait tard, moi chu pas un punk du soir, si j’suis pas au lit à vingt heures je meurs. J’ai sauté partout, j’ai eu plein d’émotions et d’interactions, je suis le décès. Le dernier groupe, j’ai même pas envie de dire son nom parce que j’en ai pas une bonne expérience, fin merde il est tard chu claqué je veux entendre ce que ça donne ma pote me dit on se laisse trois chansons pour savoir ce qu’on en pense, ça me semble correct comme deal, sauf que dès la première chanson je sens que ça va coincer. On tente hein, mais… Disons que c’est un groupe qui peut se découvrir dans de meilleures conditions, là ça me laisse juste un goût amer dans la bouche et on s’tire dès le début de la troisième chanson parce que vraiment non y a rien qui va. Fin si justement, le pire c’est que le rythme est cool c’est entraînant, mais alors les paroles me révoltent quoi. Ma pote elle dit c’est du Didier Super en mal fait, et plus tard elle va écouter des enregistrements et ça passe mieux quand même. Mais ce soir, c’est juste nul, on s’casse.
Dodo pas si mal, pas tant de bruit (pour une tente posée au plus près d’un festoche punk), pas de tekno boumboum, pas si pire. Et pis j’regarde l’heure pour pas me lever trop tôt, il est six heures c’est mort. Mais bref, on finit par émerger vers huit heures j’pense, à neuf heures on se lève et on traverse les champs pour aller faire des courses, parce que quand même c’est utile d’avoir du jus de fruits et de quoi grignoter pour survivre jusqu’à l’ouverture à quinze heures. Oui alors on est vraiment venu-es les mains dans les poches, j’adore. Pis donc, on passe au distributeur, parce que quand même y a des tatouages qui nous attendent. Ma pote tente d’être raisonnable, elle check auprès de deux potes si c’est une bonne idée un tatouage stupide en festival, moi j’fais un peu ça aussi, mais en sachant que même si les deux personnes me disent «t’es complètement teubé fais pas ça c’est une super mauvaise idée tu vas mourir» c’pas ça qui m’arrêtera, ça m’indiquera juste comment présenter les choses. Devant le distributeur, ma pote hésite parce que quand même on est pauvres. Et stupides. J’ui dis mais t’auras pas davantage de thunes à un autre moment. Ah faut pas compter sur moi pour ne pas stupidifier hein. Bref, on retire, et on rentre. Des punks commencent à émerger, ah et on s’fait prendre en stop sur le retour, une bagnole s’arrête et nous fait signe, ma pote s’avance pendant que j’vois le gars montrer son bracelet du fest (il a vu les nôtres, ou alors il a capté la dégaine), bah elle avait même pas vu le bracelet mais juste un mec qui s’arrête et nous fait signe. Aucun instinct de survie, à nous deux on aurait grave pu mourir. Spoiler : c’est pas arrivé (enfin un peu quand même). Bref le gars nous épargne trente minutes de marche, on crache pas dessus. Ah et à partir de là on va le croiser sans arrêt, c’est fun. J’reconnais pas les visages, mais des visages me reconnaissent, pis les punks ont des fringues (des fois) et des veuch’ (… des fois), ça marche bien.
On bouffe nos sandwichs de supermarché, pas gratos ni délicieux (contrairement à celui filé à Joey Glüten au concert de Nantes, eh) mais qui font l’taff. Et pis ça ouvre, on file au stand de tatouage, ouais on a renoncé à faire genre on réfléchit ou j’sais pas quoi, on fonce. Le tatouage qui hante l’esprit de ma pote depuis pas loin de vingt-quatre heures est encore dispo, le tatoueur lui trouve une place pour seize heures. Moi j’dois encore réfléchir, et pis là au milieu de tout c’qu’est cool sur cette table et que j’rêverais d’avoir dans la peau, mes yeux tombent sur un cœur en barbelés, c’est bon c’est décidé. La tatoueuse a de la place immédiatement, parce que bon ce sera pas long, et du coup son pote cale ma pote en même temps, eh ce sera fait et ça laissera un créneau pour quelqu’un d’autre à seize heures. On grimpe donc sur la p’tite estrade, ouais c’est du tatouage en public, finalement on accomplit une performance scénique, d’ailleurs ma pote a un diplôme pour ça elle devrait se faire payer, l’intermittence du spectacle, moi j’suis juste intermittent de l’asthme (j’fais des spectacles de toux).
Alors donc, se faire tatouer en festival punk. Formidable. La tatoueuse elle a tout son matos en rose, du léopard partout où elle peut, j’adore. On papote, on papote, et à côté ma pote se fait tatouer la nuque ce qui limite vraisemblablement les conversations, la tête dans l’guidon- euh dans l’fauteuil là la table bref le truc où qu’on s’pose. Ça passe super vite, on a choisi des trucs rapides, le plus difficile c’est de ne pas gigoter dans tous les sens en dansant sur la musique. La tatoueuse est comme moi. Et puis voilà, debout, on s’regarde on est stupides on adore ça. Ma pote a droit a un gel de protection de tatouage qui ne partira qu’à la douche (ça compte les douches de bière accidentelles ?), moi à un genre de pansement transparent, on verra bien si ça résiste au pogo qui s’annonce. Parce que ouais, juste après on file écouter Bill the Dog (c’est seulement chez moi que je finis par capter que c’est Bill et pas Billy), et ça bouge bien bordel. C’est trop cool on remue du popotin hein. Pis ça part en pogo bien sûr, je sens le pansement se faire un peu la malle, mais ça va j’y vais doucement, je garde mon bras droit aussi statique que possible contre mon corps qui sautille et s’fracasse dans des grands costauds piquants.
Ah oui pis on peut parler viteuf des soucis de régie quand même, la veille j’crois c’est Radio 911 qu’a eu des galères et fait semblant de houspiller l’ingé son (s’tu trouves son prénom j’te paie un jus de pomme, indice j’ai un perso qu’a le même), pis là du coup Bill the Dog y a le guitariste (j’en sais rien j’parle comme si j’m’y connaissais un tantinet en instruments de musique, mais «guitare» c’est mon mot générique qui inclut tous les trucs qui y ressemblent vaguement, même un ukulélé j’peux te dire «la p’tite guitare là» ou un violoncelle «le grand machin guitare géante tsé», c’comme une moto c’est le nom de tout engin motorisé à deux roues, bref) qui euh y a sa prise jack qui s’barre on va dire, du coup y gueule peinard mais y joue dans l’vide, pis y s’interrompt pour dire «eh quand même, help, je passe un mauvais moment là, j’ai pas de musique» environ, du coup y a un pote ingé son (je suppose, tssk) qui vient tenir l’embout dans l’ampli en fond de scène, c’est un peu marrant en vrai, et à la fin y dit eh s’tu veux jouer avec Bill the Dog tu peux juste tenir un embout. Alors ma pote lève la main parce que eh, elle a un diplôme pour ça, mais bon on prolonge pas la blague jusqu’à aller vraiment leur dire. Oh et détail, la pluie j’crois ça a pas beaucoup aidé l’orga et les ingé son.
Donc donc donc. Je retourne voir les gens du tatouage, parce que bien sûr le pansement a chu en plein pogo, j’l’ai ramassé mais j’le remets pas sur ma peau. La mère de la tatoueuse, qui gère les rendez-vous de sa fille, me dit que forcément dans le pogo, et j’dis mais eh j’ai fait attention j’ai gardé mon bras aussi tranquille que possible et j’tape de l’épaule gauche. C’est mon max. Pis donc, un peu de gel, et ça repart. L’autre guitariste (disons) du groupe joue aussi avec le groupe suivant, le gars est maso hein, mais c’est beau à voir. Immatures. C’est l’nom du deuxième groupe. J’avoue j’ai été moins attentif, fallait reprendre mon souffle. Pis celui d’après j’me souviens pô. Bill the Dog c’est ma deuxième grosse claque du fest, en plus j’connaissais déjà la dernière chanson, qui me reste en tête pendant des heures (ou en tout cas plein de minutes et jusqu’à la prochaine claque). Et donc, prochaine claque : Resto Basket. Déjà les gars sont de Grenoble, c’est fun, mais franchement ça claque j’adore, j’peux pas trop t’en parler davantage parce que j’ai oublié les paroles (les rares qui ont franchi les barrières de mon processus auditif) j’sais juste que : ouais. Grave ouais. Et pis en plein milieu, y font monter leurs potes d’un autre groupe du même coin (décidément tout le monde vient de ma région y s’passe quoi, j’vais demander à me faire ramener en bagnole si ça continue), groupe qui joue le lendemain, et les gars sautent du public pour scèner, et oh bordel archi fun. Je sais déjà que j’vais aimer ce qui va se passer demain. Les deux y sont là à sautiller et à clowner bordel j’adore les punks. Et bref Resto Basket c’est cool va voir c’qu’y font go go go j’te regarde (non j’ai mal aux yeux).
Pis après c’est Manu (ex Dolly), et si j’dis pas de conneries c’est la première fois du fest qu’il y a sur scène un groupe comportant une meuf (et pas des moindres). Je rappelle, il est presque vingt heures, deuxième jour de fest, dixième groupe, et première meuf. Les gars de l’orga, faut faire un effort, là ça commence à se voir. Alors le groupe est cool et tout hein, mais je t’avoue que encore une fois c’est le moment où je reprends mon souffle, je me manifeste comme je peux mais l’énergie est plutôt décédée. Déjà après Bill the Dog je comptais m’économiser pour être sûr de survivre jusqu’à Mégadef, Resto Basket m’a pris en traître, là c’est bon j’ai eu mon compte je hoche la tête mais y a plus rien dans mon corps. Je sais que le dernier groupe je veux le voir, au moins un peu, mais je sais aussi que je serai pas très actif, et en plus c’est pas pour tout de suite parce qu’avant y en a encore un. Ma pote croise un visage connu, quelqu’un de pas loin d’chez elle, ça va discuter et dommage le gars rentre ce soir il la ramènera pas, mais il nous dit que le groupe qui arrive, ok c’est pas punk mais c’est du bon rock. Alors on s’dit, sympa, on va profiter tranquillou, ça tombe bien. QUE NENNI.
Cachemire monte sur scène. Bon clairement j’adore la veste du chanteur, et j’crois dès ses premiers mots j’dis à ma pote il est comme nous il est pd. Bon. C’est sujet à controverse j’dirais, mais moi j’reste convaincu. Je suis pas très doué pour chercher de l’info en ligne, donc bref. Toujours est-il que, subitement, alors qu’on dodelinait gentiment de la tête et du reste parce que quand même ça bouge bien, y a un silence dans la musique, et le gars lâche un «boum» qui nous DETRUIT avec ma pote. J’sais pas y nous a chopé-es si facilement, mais alors le boum, on éclate de rire si fort, on était pas prêt-es. J’dirais pas que c’est une nouvelle claque, quoique, si en vrai, nous on pensait p’tit rock tranquille un peu engagé tu vois, et nan j’sais pas y nous a, y nous a, quoi. Bon après on va pas s’mentir j’suis un peu trop pd pour ma propre santé. Genre j’ai hésité à participer au wall of death ou je ne sais quel bordel de cet acabit, juste parce que, mais merde quoi. Toujours est-il qu’ils ont littéralement ressuscité les deux cadavres que nous étions. En version studio ça me chope pas aux tripes (à part le boum merveilleux), mais en live c’était génial. C’était le moment aussi. Ouais et la concordance des temps je la bouffe. Y a le moment où le chanteur lâche «depuis le covid j’ose plu’ embrasser des mecs en concert», celui où des gosses se plantent à côté de nous et nous regardent danser. Celui, non, ceux où des bubulles volent partout dans les airs, les pancartes d’anniversaire, encore plus de bubulles, pas que pendant Cachemire ça mais bref. Et puis clôture du show par la montée sur scène d’un enfant crêteux, qu’on fait jouer sur une guitare, genre le gars lui colle la machine entre les pattes, fait les accords, et le gosse gratte en rythme. Retiens bien ça, parce que si y avait pas eu ce tuto pour ce gamin de cinq ans (à la louche), le lendemain quelque chose n’aurait pas eu lieu (parce que je suis teubé).
Dernier groupe donc, je suis désormais une épave. King Kong Meuf, jeu scénique incroyable les tenues sont ouf, mais le public est grave anesthésié j’sais pas. On s’regarde on s’dit rassure-moi c’est pas parce que c’est un groupe de meufs ? Alors malgré la fatigue et l’absence totale de substance dans mon corps (je parle pas de drogue, bien que ça non plus y en ait pas), on s’avance et on gueule comme des porcs et on applaudit même si j’ai pas de poignets. Eh allez bougez-vous les ponks, c’est moi qui suis pas du soir. Pis là on voit le vieux devant nous qui filme, uniquement la meuf qu’est en culotte. Bon. On lui passe devant et on lève bien les bras malgré notre petite taille. Bref on donne tout c’qu’on a pas, parce qu’elles méritent et que le public est vraiment amorphe et c’est relou. Quand ça commence à monter, je m’effondre dans un coin, je tiens plus debout mais je hoche la tête. Pis go dodo hein.
Bon à vrai dire, va falloir qu’on parle de la nuit, d’abord. Parce que j’ai dit «go dodo», mais j’ai menti. Enfin non, on a bien tenté. Déjà, dans la journée, la matinée même j’crois, y a un type qui s’ramène dans la grande tente à côté, avec sa grosse sono. Cool hein, j’espère juste que ça va pas être tekno boumboum toute la nuit. Mais du punk à donf, ça m’empêchera pas de dormir, au pire. Sauf que son bordel est tourné vers les autres tentes, dont la nôtre, qu’est à genre dix mètres. Distance trop courte pour étouffer le son. Alors avant d’entamer notre deuxième journée, on leur demande si c’est possible de diriger la sono vers le champ ou la route ou peu importe, mais ailleurs que sur les tentes, histoire qu’on puisse dormir un peu. On nous dit pas d’problème, on nous met une tape dans le dos. Ça n’arrivera jamais. Du coup le soir, on se couche, vers minuit, c’est du punk encore, ça passe. Mais très vite, ça part sur tekno boumboum à donf. Et moi, les basses du punk ça m’fait vibrer, les basses tekno ça m’fait gerber. J’ai des bouchons d’oreilles et un casque antibruit mais mes tympans crèvent, je suis empaqueté dans un duvet et emboulé autour de mon panda mais mon corps tremble comme jamais. La crise d’angoisse monte vers trois heures du matin, enfin la vraie, avant c’était juste l’angoisse et l’envie de pleurer. J’te jure j’ai cru crever. Vers p’t-êt’ quatre heures du mat’, ma pote doit pisser, en profite pour demander du punk plutôt que la tekno boumboum, le gars l’envoie balader en disant que les gens sont là pour écouter d’la tekno. Alors non déso moi je viens en fest punk pour le punk, pas pour la tekno. Mais manifestement le gars a bouffé le respect et l’a chié très très loin.
Six heures du matin, convaincu d’être en train de mourir, j’ai pas fermé l’oeil de la nuit, ça fait six heures non-stop de tekno boumboum, dans mes oreilles certes mais aussi dans mon bide et mes os et tout mon corps. Et ça, c’est pas la mort comme je l’aime, c’est juste le summum du désagréable. Ça m’a fait remonter mes vieilles habitudes de juger les gens qui écoutent ce genre de zik. Alors qu’en vrai, y font bien c’qu’y veulent, j’ai aucun problème avec ça, j’ai appris de mes erreurs. Même si y tiennent à en faire passer un morceau en ma présence, ça va, tant qu’ça dure pas trop longtemps. Pis tiens, Joey Glüten il a des morceaux vachement électro et tout, même du tekno boumboum, et aucun souci. Mais j’crois y met des basses de punk dedans. Et aussi, j’viens écouter Mégadef pour le son ok, mais aussi surtout vachement pour les paroles en premier lieu (et le chanteur canon ça aide pas à décrocher), et en vrai sur leurs sons de teuf c’est les paroles qui me font supporter puis kiffer. Là, le DJ du camping, y te passe que des sons, sans chansons, parfois en boucle le même truc pendant si longtemps. Et franchement je sais j’y connais rien je fais même pas la diff’ entre tekno électro transe et j’sais pas quoi, mais… C’est pas du bon son. J’te jure, c’est juste… plat, répétitif, sans âme. J’suis pas le meilleur juge je sais, mais je sais aussi que même avec un son de teuf tu peux me faire ressentir des émotions, s’tu connais ton bordel. Là, la seule émotion, c’est la gerbe. Ah non attends ça c’est pas une émotion. Ah oui voilà, l’angoisse, l’envie de presque mourir, de chialer de douleur. Neuf heures d’affilée. La seule pause, c’est quand vers huit heures on finit par se lever et faire un tour, je tremble de partout je tiens pas debout, mais m’éloigner même quelques minutes de cet enfer, ça me permet de prendre enfin une inspiration. Ah oui parce que du coup depuis le début de la tekno boumboum vers minuit, j’ai pas pu respirer, trop tendu et recroquevillé et paniqué. Juste le service minimum, la respiration passive là, avec beaucoup d’arrêts respiratoires et de tête qui tourne et de nausée. En vrai j’exagère, y a eu une petite demi-heure de punk vers trois heures.
Il est plus de huit heures, j’ai pas dormi, et franchement une nuit blanche c’est pas un truc que je fais dans ma vie. J’suis insomniaque oui, mais insomniaque qui dort chaque nuit. Qui dort mal, qui peut-être dort peu, qui met du temps à s’endormir, qui se réveille plusieurs fois par nuit, qui est quasi incapable de se rendormir après six heures du mat’, mais qui dort. Chaque nuit. Parce que juste je tombe en fait. Arrivé à un stade, c’est le k-o technique, la machine est hors-service, y a arrêt des rouages, et ça tombe. L’épuisement constant, à un moment donné il a le dessus, et chaque nuit je finis par sombrer. Toute façon ça se voit à ma tronche, après vingt heures j’ai les yeux qui fondent et j’ai l’air d’un zombie. Bref. Devant l’inhumanité du DJ, on finit par céder, et déplacer notre tente. Un sentiment d’injustice monte en moi, parce que ça devrait être à lui de se soucier de son voisinage, de diriger sa sono vers la route, ou au moins de prévenir les nouvelleaux arrivant-es que ça va péter le son toute la night en tekno boumboum. Ça devrait pas être à nous de plier bagage après une nuit de souffrance. C’est pas juste. Mais bref, on se décale derrière la mini colline d’en face, à côté de chez monsieur Peignoir (j’pouvais pas ne pas le mentionner, quand même, le gars, et j’ui ai dessiné une tête de panda). Et là, vers neuf heures, je finis par échapper un peu à la tekno boumboum. Par sécurité, je remets bouchons et casque, et puis je me recroqueville dans la tente, malgré la chaleur qui monte. Je me suis rarement endormi aussi vite. Tu veux savoir l’plus marrant ? Avant ça j’osais pas cri… Euh pardon. Le DJ a enfin coupé la sono au cours de ma première demi-heure de sommeil. J’ai dormi (ou environ) jusqu’à quatorze heures, ouverture du fest.
Troisième jour. Dimanche, si je compte bien. C’est l’dernier jour. Le der des der. Et après ? Après, on meurt. Bah oui quoi, ce soir c’est Mégadef, j’ai pas prévu de survivre, je vais donner tout ce que j’ai et tant pis si j’me relève pas, j’suis là pour ça. Cinq heures de sommeil dans les pattes (ok j’abuse y a bien environ une heure pendant la tekno boumboum où vers six heures l’épuisement et le stress ont fini par avoir raison de moi, je suis tombé dans un sommeil que j’aimerais qualifier de sans rêves mais il fut hélas peuplé de cauchemars, le réveil en sursaut fut d’autant plus douloureux et sujet à malaise), le double d’heures d’angoisse, mon capital énergie est pô brillant. Mais t’sais quoi, on a bien fait de bouger la tente. Déjà on a un spot à l’ombre, ce qui en ce dernier jour qui sera foutrement ensoleillé n’est pas du luxe, et moins de boue pour accéder à la tente, un voisinage beaucoup moins dense. Mais aussi, on a vue sur l’entrée des artistes, enfin t’sais la route par laquelle les véhicules arrivent et leur parking dans le fest. Alors oui on est loin, à la louche je vais dire cent mètres, sauf que… Malgré mes yeux détruits et mon cerveau ravagé et le manque d’hydratation de tout mon être, je vois passer sur la route, à ouais j’sais pas dix mètres de moi, une bagnole, j’vois un chien à l’avant dans les bras de quelqu’un qui de dos pourrait parfaitement être Joey Glüten. Sauf que le chien, il a vaguement la tête de celui de Matheo. Du coup j’ai un doute de type, attends est-ce que je viens de voir passer un bout de Mégadef dès mon réveil ? Ça n’a duré qu’une poignée de secondes, pendant que je me brossais les cheveux. Et quelques minutes plus tard, je vois juste derrière la scène (à cent mètres donc) un t-shirt noir à manches jaune fluo. Sur quelqu’un qu’a franchement la tronche du Joey. Oui sa tête fait à peine quelques millimètres d’ici, mais j’suis sûr. Ah ça m’fait repenser au sosie attends.
Le premier jour du fest, je vois passer à quelques mètres quelqu’un qui ressemble à Joey Glüten, suffisamment fort pour que je me demande sérieusement si c’est lui. Les mêmes cheveux, la même forme de tête, la même carrure, le même sourire de tronche fatiguée. Le même air foutrement adorable, aussi, mais passons. Pendant deux jours, je doute. Et du coup, j’en parle à ma pote, qui constate, et me dit mais si c’était lui t’aurais pas de doute, tu saurais direct. Et là, dimanche aprem, à cent mètres et de trois-quarts dos, je sais. J’ai aucun doute. Sauf celui de eh mais c’est improbable que j’le voie, qu’il m’apparaisse dès le réveil quoi, c’est moi qui dois avoir un côté fanboy sans m’être rendu compte. Nan en vrai aucun doute, juste un constat d’improbabilité. Pis bon, à côté y a le chien de Matheo, et après j’vois passer Matheo aussi j’crois. Bref, oui en effet le sosie n’était qu’un sosie et la preuve c’est que j’avais un doute. Oui ok plus tard y aura une autre preuve mais attends.
Donc voilà, j’me lève, go fest, j’crois c’est le moment où je mets mon gant là qui remonte jusqu’au coude, pour protéger mon tatouage du soleil. Celui du bras gauche avec plein de couleurs, pas celui de la veille, celui-là ça va il a pas besoin de protection il a pris son baptême du feu en pogo quelques minutes après réalisation. Sauf que mon bracelet du fest, il est sur le bras gauche, donc sous le gant. Mais bon, les vigiles et autres bénévoles captent assez vite que j’essaie pas de gruger, t’façon je montre mon bracelet à grand coup de déboîtage de poignet. Apparemment, même dans un tel rassemblement de punkach’ et de schlagos, le p’tit con rebondissant pieds nus et à moitié à poil, yl est repérable. Ah bah du coup, c’est le moment de la chanson calme j’pense. Hohoho. (Pas du tout en boucle sur mon ordi depuis une heure.) Voilà, coup d’envoi de la journée par les Crêtes Brûlées. Tu sais, les deux zigotos qui hier ont bondi sur la scène pour rejoindre Resto Basket. Là, y sortent du public pour se hisser sur la barrière, j’en vois au moins un ramper sur les planches, c’est bon j’adore. Tu vois c’est l’genre de gars, tu sais qu’c’est pas prise de tête, tu sais c’est des comme toi, tu sais ça va être bonne ambiance comme soirée entre potes. Eh bah c’est ça. En un peu plus pogotant. Cela dit, j’sais pas à quoi ressemblent tes soirées entre potes, moi c’est soit powerpoint et petit plat vegan soit pogo et beuglantes. Soit tout ça à la fois.
Donc les voilà sur scène, ça sonne direct comme du punk clown, j’aime. Pis stoplaît, y en a un avec short effiloché et t-shirt déglingos pas plus long que ma chemise, donc qui lui arrive juste sous les boobs, et l’autre en petite chemise toute mignonne, comment ne pas apprécier le spectacle ? Ça gigote de partout, ça rebondit ça braille, eh trop bon moment. En plus y sont rigolos dans les chansons quoi, merde. J’sais pas si faut parler de claque ou de coup de foudre (dans le sens omg j’ai l’impression d’avoir toujours connu ces gens j’veux ce soit mes copains comme la bouteille jaune géante qui sert de poubelle devant la buvette). Forme de potes jpp. Et comme je suis pas foutu de faire la différence entre ce qui se passe dans ma tête et ce qui se déroule dans le monde extérieur de la réalité partagée, ceci mènera quelques heures plus tard à une demande que j’ose faire qu’à certain-es potes normalement. Mais c’est une autre histoire (fin non, mais j’essaie de rester un peu dans l’ordre vaguement). Y rameutent leurs potes de la veille, enfin deux, qui devaient partir mais qui sont restés, se sont fait kidnapper quoi, bref y sont là et y kiffent le moment. Y font monter d’autres gens j’crois, j’me souviens que d’la copine qui chante Cayenne lesbienne. J’sais même pas quoi te raconter je peux juste te dire que j’veux les revoir en concert. Si y faut j’ramènerai ma dose de betterave crue.
Le groupe d’après, osef sur vingt, un genre de sous-produit de Tagada, j’dis pas que c’est mauvais juste j’en avais rien à taper (et les balances ont commencé sur un chanteur blanc qui fait du Sinsemilia et donc imite un accent jamaïcain, bon, c’est pas ce qui va me motiver à kiffer). T’façon, aujourd’hui on a dit je m’économise, j’ai trop peu dormi et j’veux me bouger sur Mégadef. Les Crêtes c’est l’incident de parkour (oui oui, pas de parcours, je sais c’que j’dis), j’avais pas prévu de me faire choper comme ça. En écrivant ça j’me dis «à tous les coups j’ai encore oublié un groupe qui tape, j’suis sûr j’me suis pas tenu à mon idée d’économie d’énergie». Eh bah en fait, si. Parce que du coup, derrière c’est Julie Colère, la chanteuse accordéoniste est merveilleuse, oui je sais l’accordéon c’est mon instrument pref alors sur du punk et une meuf qui envoie, forcément. Mais du coup ouais je vibre et sautille mais c’est pas du pogo, enfin j’crois j’reste plutôt tranquille (après bon on peut parler de ma notion de tranquille en concert mais voilà). Très bon moment, et cette voix. Oh gosh ça me fait penser, j’ai pas précisé ou pas assez insisté sur la voix du chanteur de Cachemire, le gars est insane je suis encore subjugué j’veux pécho sa voix c’est si magique. Ahem. Un peu trop pd pour ce monde. Derrière ça part sur Rocco Glavio, sympa mais j’ai pas grand-chose à en dire, j’étais pas trop là. Trop occupé à respirer, ne pas mourir, reconstituer mes maigres réserves d’énergie, survivre à la chaleur et au soleil qui tape plus fort encore que la musique.
Passons aux choses sérieuses. Mégadef déboule sur scène pour les balances. Sauf qu’aujourd’hui, les inter scènes là, c’est les Crêtes, ça devait être entre chaque groupe mais là c’est le premier moment où on les entend jouer (j’apprendrai plus tard que c’est parce que le crêteux est malade et épuisé, bah ça s’est pas remarqué il a trop géré, bref). Je suis donc partagé entre mon amour inconditionnel pour Mégadef depuis deux ans (nan pas inconditionnel, mais toutes les conditions sont fichtrement remplies et c’est pas près de changer), et ma vibrante passion naissante pour les deux zigotos. Mais sur la grande scène c’est juste les balances et en vrai même pas c’est l’installation, du coup n’y tenant plus je fais un saut devant l’autre scène. Ça donne envie de sautiller furieusement tout ça. La mélodie s’achève, j’en profite pour en choper un. J’veux dire, je m’approche de celui qui range ses trucs pour lui dire déjà j’adore tes fringues, et ensuite c’est pour un renseignement, toi et tes potes j’ai entendu vous êtes de Grenoble, moi j’habite vers Lyon, je m’attendais pas à croiser des gens de mon coin, du coup j’me demande, y aurait pas une petite place dans la caisse pour le retour dans la région ? Et le gars m’envoie vers son pote pour cause de lui va pas rentrer demain y s’tire ailleurs. Je cause donc audit pote, qui me dit que ouais carrément y reste justement une place échangeons donc nos numéros. Oh t’sais quoi à la base j’avais prévu de rester flou sur de qui je parle et tout, de faire genre on sait pas quel groupe et tout, bah c’est foiré, tu sais quel groupe c’est, j’vais juste laisser le flou sur lequel des deux parce que bon j’sais pas y veulent p’t-êt’ pas révéler leur vie privée, t’façon dans la bagnole lundi y avait un des Crêtes, d’autres du coin, et moi. Voilà comme ça j’en dis pas trop.
J’ai mon retour à Lyon. Merveilleux. Parce que moi j’avais prévu d’arriver au fest, et après c’est roue libre. Ma pote pareil. Quand j’te dis que j’les prends pour mes potes les gars là. La bonne nouvelle, c’est que pendant que je papotais avec ce charmant punk, elle s’est trouvé quelqu’un pour la poser à la gare demain matin, ce qui lui évitera une grosse heure de marche avec sac et tente. Par contre on va se lever à six heures. Écoute, on est là pour souffrir. T’sais quoi si ça se trouve cette scène s’est produite après Mégadef, osef le temps c’est un truc chelou. Toujours est-il que quand les balances frémissent, je me rue devant la scène, pour être sûr de n’en pas louper une miette. Sauf que bon, je tiens fort peu debout, j’me fais pas de souci pour quand ça va bouger, pour sauter en l’air pas de souci (sauf si j’fais un malaise), mais rester debout statique ça par contre c’est mortel. Du coup j’me pose. Puis j’me vautre. Y a ma pote qui déboule un peu plus tard, elle me fait j’te voyais pas dans les gens devant la scène j’me suis dit y doit s’être allongé du coup j’ai cherché par terre et t’es là allongé. Suis-je donc si prévisible ? (Oui. Et archi non aussi.) Après j’sais pas trop y a des balances des galères de régie et Joey Glüten en short rose, ah oui tiens pendant Julie Colère y dansait dans le public c’était beau, je le snipe en une fraction de seconde à chaque fois c’est terrible, même planqué dans la foule à plusieurs dizaines de mètres, et le sosie (je connais son prénom je lui ai demandé spécifiquement pour cesser de dire «le sosie» mais j’vais éviter de le balancer ici pour cause d’anonymat) dès que j’le vois j’ai encore le doute, je sais dorénavant que c’est bien pas lui mais tout de même je les vois jamais au même endroit au même moment. Et Matheo pareil je le repère si facilement, même sans son chien. J’reconnais pas les visages mais faut croire que j’ai passé trop d’heures à mater leurs vidéos.
Pis ce p’tit con. Y prend le micro pour dire «eh l’autre fois j’ai fait un truc on m’a dit ça marchera jamais de faire un wall of death sur le premier morceau, alors là j’ai envie de faire pire, ça vous dit d’en faire un avant même le début du concert, pendant les balances ?» Alors forcément, on se met en place. Eh par contre va falloir se calmer sur ça, c’est un truc de metalleux, nous c’est les pogos, je suis conçu pour le pogo pas pour me faire claquer comme une mouche hein. J’kiffe j’dis pas, mais tout de même, pas besoin d’en faire cinquante. Donc voilà, on s’fonce dedans, le Joey profite puis fait son laïus sur venez on se respecte et on est pas des merdes, y dit on fait gaffe aux gens petits, aux meufs aux trans et tout, y dit on est trop nombreux pour qu’il y ait que des gens cool statistiquement y en a qui craignent, y dit on veut que tout le monde se sente libre de se foutre torse nu parce que si y a une personne qu’est pas libre personne ne l’est, y dit on fait pas de réflexions sur les gens qui se dé sapent que ce soit positif ou négatif on dit rien, décidément j’adore, et pis le concert commence.
Euh j’peux pas te raconter le concert parce que j’étais pas là en tant que journaliste mon cerveau je l’ai posé en même temps que mon t-shirt et ma ventoline. Les gens du stand où j’ai mis ma ventoline y me disent t’es sûr tu veux pas la garder sur toi, j’dis y faut qu’elle soit pas loin mais si elle est dans mes fringues j’vais la péter. Bref je retourne pogoter, y a des gens qui kiffent que j’sois pieds nus, d’autres qui s’inquiètent pour moi, d’autres qui les deux, bref la routine. J’adore connaître toutes les chansons mais être infoutu de me souvenir de tout le texte, j’ai des trous d’la taille du, oh bref, mais aussi juste bah y beugle dans son micro c’est pas le meilleur moyen de piger c’qu’y raconte du coup quand j’me perds j’me retrouve pas. Tant pis, j’suis là pour me défouler, pour vivre. Si j’peux pas tout chanter bah j’vais sauter et taper les pogos, on aime trop s’taper c’est si confortable. J’adore voir toutes les générations, t’as des vieux d’la vieille et des ados dans les pogos, bon les enfants y sont pas dans les pogos quand même mais y slament et y passent autour de nous c’est formidable. Pis ça fait plaisir aussi de repérer des gens queers, y en a depuis le début mais là c’est visible si fort, j’adore. Eh ouais parce que y a ce moment où le Joey demande un pogo sans mecs cishet, ça fait du bien, alors p’t-êt’ y en avait un peu dans l’tas mais pour une fois y z’étaient pas en majorité et putain qu’est-ce que c’est bon, c’était notre moment. Pis y demande y en a qui connaissent un peu c’qu’on fait ici, est-ce que quelqu’un veut me rejoindre pour chanter, moi j’me dis eh grave chaud sauf que d’abord j’ai peur et ça dépend quelle chanson parce que ce serait dommage de me retrouver comme un con à pas bien connaître les paroles. Les deux meufs (on va dire meufs pour le principe) avec qui j’arrête pas de rebondir (décidément les couples lesbiens m’adoptent dans les pogos de Mégadef, ça me va) bah y en a une qui pousse l’autre vers la scène mais elle ose pas alors j’ui dis si à un moment tu veux monter j’t’accompagne ça fait moins flipper à deux. C’est un crêteux vert qui grimpe, aucune idée de comment ça se passe moi j’ai la tête dans l’caisson euh dans l’pogo.
Ce moment où le joli chanteur (eh, indéniable), suite à un souci technique, nous demande eh z’auriez pas une double pédale, et où je lève la main en sautillant que c’est nous les deux pédales, mais ma pote est pas à côté de moi du coup je suis une simple pédale (ça se discute mais en plein pogo je peux pas te faire une explication), du coup j’la cherche pour pouvoir faire ma vanne de merde, et je trébuche sur le sosie qui fait la même vanne avec son mec c’est merveilleux j’les rejoins fort hypé. Un autre moment dans le pogo je me jette plus ou moins dans les bras dudit sosie, enfin plusieurs moment mais c’est pas toujours volontaire des fois c’est le pogo qui décide et des fois c’est moi qui vise les gens que je «connais». Y a eu hécatombe de lunettes dans ce pogo, perso j’ai constaté trois paires pétées rien qu’à l’avant, ainsi qu’une grosse pince à cheveux et sûrement d’autres trucs et des éco-cups. Je profite du gars tout keuss qui s’fait envoyer en l’air pour me faire également envoyer en l’air et hop petit slam ça fait toujours du bien. J’suis pas dans chaque pogo mais jamais à plus d’un mètre, plusieurs fois je manque de me faire envoyer au sol ou dans les barrière, les lesbiennes et le sosie pd vérifient que j’suis en vie (ce gars a l’air beaucoup trop doux c’est terrible j’ai envie de lui faire des câlins en plein pogo), pis fin voilà on croise des têtes qu’on connaît, fin des fringues et des veuch’ quoi.
Pouf, y nous fout toustes par terre, allez y nous couche carrément, moment calme, je sais ce qui va venir j’ai vu la vidéo, et informe mes compagne-ons de fortune que eh j’vais avoir besoin d’aide pour me relever, nous nous tenons donc les mains. J’ai donc à ma droite une des lesbiennes, et à ma gauche le sosie pd. Ah ouais y a aussi tous les moments où des gens s’inquiètent de mes attelles, t’en fais pas elles sont la pour me protéger et moi j’suis là pour me faire mal. Bref, doigts entrelacés c’est très chou, d’ailleurs y a une vidéo sur yt s’tu veux voir à quoi ça ressemble, j’devrais p’t-êt’ pas dire ça parce que du coup l’anonymat est en danger, m’enfin bon personne lit ça et s’tu lis ça et qu’tu vois la vidéo y a une proba pour que tu sois capable d’identifier les gens mais j’ai le prénom que d’un et j’l’ai pas donné donc si moi chu pas capable de les retrouver (hélas) je doute que toi tu puisses. Pis la vidéo est publique, et bien plus regardée que mon blog, donc tout va bien. À un moment si on s’enjaille dans un fest on s’attend à être filmé-es même quand on est torse nu ou stupide ou pd ou à fond. Bref, y nous relève d’un coup, on saute en l’air, et c’est reparti pour le pogo.
Je sais pas trop ce que je peux te raconter d’autre, avant la fin. Et par «la fin», j’entends «les trois dernières chansons environ». Parce que subitement, y a davantage de monde sur scène, une dizaine de personnes du public pouf. Alors merde j’y vais. Ouais j’ai jamais fait ça. Alors monter sur scène si, j’te parle pas du théâtre ça c’était normal de monter sur scène, mais monter rejoindre un groupe punk j’ai fait y a quelques années, les Ramoneurs évidemment, mais j’étais pas seul c’est papy qui m’a emmené parce que j’osais pas. Sauf que là, j’ai personne pour me propulser, personne pour m’accompagner, enfin j’pourrais trouver mais flemme, je veux y aller. Et cette fois, j’y arrive, seul. Je me mêle aux gens du public, on s’enjaille à mort, là encore y a une vidéo yt de toute bôté. Allez allez hop hop hop ça chante ça danse, enfin ça braille ça saute, je chope le gars tout keuss qui prend un peu toute la place sur scène comme ça y vient danser avec nous. On est joli-es bras d’sus bras d’sous avec nos gueules éclatées et nos fringues dégueu, les sourires lààà. Et j’sais pas à la fin d’une chanson y a Joey Glüten qui m’tend sa guitare. Contexte : j’suis tout à droite des gens du public, y a plus personne à ma droite (oh bordel maintenant que j’y pense c’est illogique que j’aie passé un si bon moment avec des gens à ma gauche et personne à ma droite, m’enfin j’saute dans tous les sens donc mon cerveau a pas le temps de stresser), à part Matheo mais fin bref après une quinte de toux j’suis un poil excentré des humains de mon acabit, et il se trouve que je suis le plus près du chanteur (c’était pas calculé j’te rassure, moi j’suis là pour vibrer, j’aurais pu me mettre près du guitariste à qui j’ai confié ma ventoline à Nantes, après bon logiquement ça m’arrange d’être à proximité de quelqu’un que j’sais situer, donc lui ou Matheo ou Joey, ou le gars tout keuss mais lui y bouge trop vite y prend trop de place pour que j’m’acharne à le suivre). Donc quand il se retourne en enlevant sa guitare, bah il se trouve que je suis à portée, et probablement quelqu’un d’autre à ma place ça se serait passé pareil. Mais quand même. Y me tend sa guitare, donc, et là, j’ai failli me retrouver à la fixer comme un con sans comprendre. Sauf que la veille au soir, y a eu un tuto pour un enfant de cinq ans, je sais donc ce qu’on attend de moi, et gratte vigoureusement et pas du tout en rythme le manche qui me fait face. À cet instant, je suis un gosse de cinq ans qui s’éclate.
J’crois après y a encore une chanson, je sais plus trop, j’ai le souvenir de allez on finit sur notre chanson la plus connue le pouvoir des pierres, mais dans ma tête elle a vécu pendant que j’pogotais dans la fosse vers le début ou le milieu. Bref. Toujours est-il que ça se conclut sur une photo de groupe, et nous les gens du public sur scène on s’agenouille avec les gars et bref voilà je suppose que cette photo existe quelque part et je serais ravi de l’avoir mais j’ai pas encore osé m’approcher de fb depuis mon retour (ça fait une semaine) et donc j’irai voir la page du festival quand j’y arriverai et j’espère qu’elle y sera, parce que quand même, putain d’moment. Et y nous dit c’est l’anniversaire de Machine, on lui dit bon anniversaire.
Pis les gens commencent à descendre, moi j’ai un truc à dire. J’vais l’voir, j’ui dis eh moi c’était mon anniv’ y a trois jours donc là c’est mon festival d’anniversaire donc sache que je prends une partie de ce joyeux anniversaire pour moi. Alors on papote viteuf, tu sais j’étais à Nantes y a deux mois, ah ouais j’me souviens de toi, t’as pas retrouvé la pyro que j’t’ai filé par hasard, nan désolé oh. Y a deux p’tites meufs, genre ados, qui viennent lui dire on est amoureuses de toi, y dit oh c’est gentil, moi dans ma tête c’est ah ok je suis ravi de ne pas être à leur place, pas pour les juger hein juste je suis parfaitement satisfait de ma place actuelle. Pis j’sais pas y a quelqu’un qui veut lui faire un câlin, et moi j’suis encore là du coup j’me fais embarquer, non pas que j’sois pas d’accord hein j’suis ravi, mais j’ai pas cherché. Et pis une autre personne, y me re serre avec, pis une troisième, et y a toujours sa main dans mon dos, le sien est si trempé de sueur j’me dis moi ça doit être pareil j’espère qu’il aime la sueur (j’pense y s’en fout total sinon y foutrait pas sa main dans ma sueur). Bref, j’me suis fait câliner trois fois de suite, et c’était très très chouette. J’vais pas te dire que c’était magique, j’veux dire j’adore les câlins donc bien sûr, mais nan j’suis pas tombé amoureux du gars pour autant t’inquiète.
Je sais j’insiste beaucoup sur le côté eh j’adore ce qu’il fait mais je suis pas en mode groupie, mais c’est qu’en fait ça me surprend moi-même, parce que sur le papier y a tous les ingrédients pour que j’le sois, sauf que certes je dramaqueer, mais bah, en vrai j’ai pas d’idoles, y a plein de gens que j’admire (dont ce gars, plusieurs de mes potes, des gens de ma famille) mais si j’dis que j’suis fan c’est pas dans le sens fanatique, juste admiratif et en kiff quoi, j’ai pas cette adoration ni t’sais les trucs qui, bref. J’crois j’avais ça avant, mais ça va mieux. Et en vrai ça a jamais été trop marqué sur des gens que j’connais pas, genre acteurices musicien-nes etc, plutôt sur des potes des crush et tout. Et j’en suis ravi. Mais du coup voilà, ce gars-là est très cool, j’adore sa musique j’kiffe ses textes si fort, mais hors de la scène il a l’air d’être juste pareil, trop une forme de pote faut qu’j’me rappelle que s’il a certes connaissance de mon existence et se souvient de moi deux mois après, bah, j’suis pas son pote, j’suis pas un fan non plus mais genre j’suis son public et on va dire qu’on a des connaissances en commun p’t-êt’ même des potes en commun mais fin comme avec Loran ou d’autres ex Beru quoi, c’est cool j’dis pas et franchement j’adorerais devenir son pote il a l’air trop bon délire et aussi schlagos que moi pis c’est merveilleux d’avoir un chanteur keupon queer asthmatique et qui s’fait enfiler son attelle de poignet en plein concert, et bordel le gars est grave hyperlaxe aussi faut le dire, nan mais t’as vu ses coudes ? Mais c’est pas parce qu’il a tout pour être mon pote, que ça l’est effectivement, ça c’est juste dans ma tête. Comme au collège, dans ma tête Thomas c’est mon pote mais en vrai j’en sais rien mais j’pense y m’aimait bien quand même.
Je descends de là je suis mort, et une flaque ambulante. Ah oui pis j’ai besoin d’aide pour passer la barrière, monsieur Peignoir me chope dans ses bras pour me poser sur l’herbe. Je récupère mon t-shirt et ma ventoline, tente de réapprendre à respirer, tombe par terre. Les potes de pogo viennent check ma survie, on papote un peu, on s’manifeste l’appréciation l’affection fin voilà, à force j’dis au gars j’suis désolé faut que j’te l’dise mais ça fait trois jours que j’ai un doute sur si t’es Joey Glüten ou pas, bon là ça y est je sais que nan mais voilà, y m’dit ouais ça fait six mois qu’on me fait chier sur ça, bon du coup j’espère j’ai pas été relou. D’ailleurs ce concert c’est le premier moment où j’vois Joey Glüten et lui en même temps au même endroit, je te confirme que c’est pas la même personne, et pour m’être retrouvé dans les bras des deux je te re confirme que c’pas la même personne. Un peu plus tard je lui demande son prénom pour pouvoir le nommer (notamment pour pas dire à ma pote «le sosie», à force c’est chelou), mais bon il est allongé sur les genoux de son mec je débarque comme un cheveu sur la soupe et repars en catimini, tant pis. Après bon, il est pote avec la pote de ma pote, ça va.
Y s’est passé quoi après déjà ? J’suis plus là moi t’sais, j’suis perché. C’est p’t-êt’ le moment où on fait le pied de grue pour trouver le stand de merch’ de Mégadef, on trouve pas, fin bon j’passe un gros quart d’heure à comater sur un banc avec un truc à boire, j’ai carrément utilisé ma carte prio handi pour accéder à la buvette parce que mes jambes me portent plus j’ai absolument tout donné. Faut réhydrater ce gosier malmené. Mais t’inquiète, j’ai mangé à un moment dans la journée pour pas faire de malaise, mais pas juste avant Mégadef parce que sinon ça m’aurait coupé les pattes ou empâté. Bon bref j’ai aucune idée de l’enchaînement mais y a le moment où on demande à quelqu’un du staff si le groupe va sortir un stand de merch’, la personne sait pas, cherche, check la conv (en nous la montrant pour une obscure raison), part demander, revient, les gars mangent, pis elle repart, revient plus tard pour nous dire le stand est déjà installé, on l’a pas trouvé alors elle nous accompagne, et effectivement collé à un autre stand sur la même table y a un espace de genre cinquante centimètres de large avec les deux CD de Mégadef, et une petite plaque de polystyrène avec marqué «Mégadef prix libre» à l’arrache, et c’est ça le stand. Tu m’étonnes qu’on a rien vu, les autres c’est t-shirts accrochés au mur ou affiches, avec plein de trucs sur la table, et bien deux mètres de large. Alors bon bref on prend des CD hein, et quelqu’un nous dit mais t’sais les gars vont venir sur leur stand à un moment ou un autre, au moins pour ramasser leurs affaires, s’tu restes dans le coin tu peux demander une dédicace. Ça tombe bien j’ai pas vraiment de quoi faire plus de trois pas, l’espace qui me sépare d’un banc avec table, on s’y réfugie donc et profite du concert de Marcel et son Orchestre pour reprendre notre souffle et le reste.
C’est archi fun comme groupe, et j’pense ça vaut grave le coup de les voir en concert, j’aimerais beaucoup avoir à nouveau l’occasion, c’est un putain de festival, euh de carnaval, un peu magique l’ambiance. D’ailleurs c’est marrant, la chanson méfie-te elle me réveille, parce que j’la connais c’est mon enfance qui déboule sans prévenir le frangin écoutait ça, juste le refrain c’est un truc qui m’ressort de temps en temps au hasard. Devant leur stand je sais pas quand, on se prend une giclée de confettis, pis une deuxième, c’est rigolo. Par un destin qui m’échappe, un confetti (vert) se retrouvera coincé dans la première feuille de mon carnet à chansons, pourtant rangé tout au fond de mon sac au fin fond de la tente. J’le garde, pour le souvenir (et l’effort, bravo). Je sais pas quand non plus, on passe à la tente, poser les CD et boire un peu encore, c’est important. Et aussi y a le dernier groupe de tout le fest, les vulves Assassines, ça a l’air trop bien mais je suis réduit à un tremblement.
Ah oui non attends, l’autographe là. Eh j’avais pas eu l’idée mais maintenant qu’on m’en a parlé j’ai trop envie d’une dédicace, j’ai jamais eu d’dédicace de zikos là. Ou bien j’ai oublié. Ou y sentaient pas bon. Enfin j’en ai pas. Et puis donc, certes on aperçoit de loin deux-trois des gars, mais au bout d’un moment y a le Joey qui arrive, nous on a à notre table quelqu’un avec qui on discute et qu’est pote avec ma pote enfin je suppose j’en sais rien j’ai pas demandé mais la papote est cool et on est si hypé-es du pogo sans mec cishet et de plein d’autres trucs on arrive pas à redescendre. Sur ces entrefaites disais-je, le chanteur là. Du coup on y va, et on lui dit eh dis donc vachement cool ton concert, merci pour les petit-es, pour les queers et tout le reste, fin bref on papote, on évoque l’autographage, il nous guitare-jardin les CD, ça babille dans tous les sens, j’me souviens pas de tout mais y me dit c’est bien à Rezé qu’t’étais toi c’est ça, ouais, et fin bref aucune idée de ce qu’on se raconte mais on est bien. Malgré les galères de feutre. Et puis il semble à nouveau accaparé par des gens, on s’éloigne donc, j’ai le temps de me prendre un check impromptu de sa part, ça me va. Ah oui on parle d’handi et de mot du médecin, y dit ouais tu m’avais déjà parlé de ça, j’explique que donc ouais on est plusieurs à avoir un peu ça comme chanson pref de on se sent concerné-es quoi (en vrai j’en sais rien j’suis p’t-êt’ le seul dont c’est la pref mais bref), fin voilà ça cause handi aussi.
Et c’est probablement juste avant le dernier concert qu’on revoit les Crêtes Brûlées, les gens ont encore de l’énergie et pogotent, pas moi je suis donc vautré par terre juste sous un caisson, ça chante du Beru même, pis y a le Joey qui vient accompagner aussi, pis y demande on veut quoi comme chanson, ma pote et moi on gueule mot du médecin, y dit c’est pas en acoustique, bon dommage, y part sur un truc et c’est fun. Moi pour gueuler je me retrouve allongé par terre, protégé du pogo par ma pote. Dans la voiture le lendemain le gars des Crêtes me dira que ouais ouais y m’a bien vu affalé dans l’herbe sous le caisson, eh frère j’ai battu des pieds en l’air tellement je tenais plus debout. Pis à la fin Joey Glüten, oui d’un côté c’est chelou de l’appeler comme ça hors musique, genre pour te dire «écoute du Joey Glüten tu verras c’est fun» c’est approprié, d’ailleurs pour moi c’est interchangeable avec Mégadef, mais c’est un nom d’artiste et il cache pas son prénom civil, mais d’un autre côté si j’te dis «ouais et alors là y a Léo qui rigole et manque de me marcher dessus parce que y cause avec des gens y m’a pas vu par terre à ses pieds, fin littéralement à ses pieds j’suis coincé entre ses panards et l’caisson quoi» peut-être ça t’aide pas vraiment à suivre. Pis ça risquerait de donner l’impression que j’suis pote avec. En même temps, pas ma faute si c’est son prénom. Je sais qu’à un moment j’ai tenté d’me lever pour brailler avec ma pote mais j’suis retombé direct.
Tiens d’ailleurs y a un instant pendant Marcel où j’ai tenté aussi de vibrer debout, mes jambes ont lâché direct j’me suis affalé, et les potes du pogo passent à ce moment, fun. Oh et j’t’ai pas raconté ce moment épique où je sors des chiottes et manque de me vautrer violemment devant trois gens aligné-es en fauteuil roulant, j’avais un peu envie d’leur dire eh j’vous rejoins bientôt. Mais ça pourrait passer pour une mauvaise blague de valide, alors que c’est juste bah vu comment mon SED il tape des fois, vu comment je sais plus tenir debout régulièrement, y a grave moyen que j’me retrouve en fauteuil de temps en temps, et plus tôt que prévu. Pis donc bref voilà les Vulves Assassines, c’est le genre de groupe tu peux pas abréger comme les Crêtes sinon ça prête à confusion. Sur scène, franchement les textes oui, j’me rends compte que punk m’a déjà fait écouter, mais par contre la musique c’est grave pas ma cam, beaucoup trop tekno boumboum, en version studio ça tape moins (dans mon souvenir), là c’est trop pour moi je rappelle que je viens de passer une nuit blanche pour cause de tekno boumboum. Du coup je pars pendant le deuxième morceau, ou le troisième, fin vite quoi, pour aller me coucher. Et ça mes ami-es, c’est bien la preuve que j’vais mieux. Parce que non seulement ça me pose aucun problème de traverser ce festival en solo de nuit, même après m’être affiché sur scène de manière visiblement pd et tout (fin genre, si les gens du public ont pas compris que j’suis non-binaire, je sais plus quoi faire, là c’était marqué dessus quoi), mais en plus bah je vais me coucher alors qu’il reste de la musique, j’ai surpassé cette culpabilité de «mais si tu viens à un festival faut tout voir sinon c’est du gâchis», et je pars juste le cœur léger et le corps lourd de souvenirs.
Imagine te redresser en pleine nuit pour foutre un gros coup d’poing dans ta pote qui dort en lui beuglant «Nécrophiles !!!» Ceci n’est pas arrivé, mais c’est passé à un cheveu. Parce que ouais, quand le Joey Glüten il a demandé on veut quoi, on a toustes les deux pensé à mot du médecin, mais les neurones ont pas connecté le nécrophiles, qu’est pourtant une chanson qu’on adore aussi et qu’aurait été trop fun à avoir comme ça (le seul danger c’est que p’t-êt’ j’aurais pas réussi à rester par terre, et j’me serais fait mal). Mais bon je crois qu’elle dort, moi j’suis pas en état d’aligner plusieurs mots pour expliquer de quoi que j’cause, si j’ui sors juste nécrophiles sans contexte c’est bizarre. J’ai réussi à me retenir, mais vraiment, pas passé loin.
J’crois y a pas eu d’événements marquants cette nuit, à part que la sono tekno boumboum ne se fait pas entendre, j’crois le gars est parti. Tant mieux, j’ai du sommeil à rattraper, et six heures max pour le faire. Donc voilà, six heures on tente d’émerger, sept heures on s’bouge vachement plus vite genre on finit de déplacer mes affaires au garage à vélo vu que ma pote s’tire avec sa tente, et puis voilà, elle part. Et je reste là, dans le soleil qui s’éveille, seul, à lire dans ce camp qui s’éveille fort peu. Vers huit heures, le soleil y s’dit tiens et si j’commençais à y cramer la yeule, alors y s’exécute et me déglingue. J’aime ce moment. J’me sens apaisé. Grâce à toute cette violence amicale, toutes ces vibrations, tout ce déchaînement, je suis là, et je suis bien. C’est le plus beau festival d’anniversaire de ma vie. Je déjeune de pains au chocolat (oui pas des chocolatines vu que je parle des trucs indus’ par paquets de vingt en supermarché, la nuance est importante) et de jus de fruits, il me reste fort peu d’eau, j’espère que mes futur-es compagne-ons de route en auront ou feront un arrêt comportant du liquide potable. Il est dix heures, je rejoins le pont de rendez-vous, oui se donner rendez-vous sous un pont c’est bien un truc de punk tiens. Je chante en les attendant, je chante sous un pont encore.
Et puis je grimpe dans la voiture, et là la majeure partie du trajet appartient au domaine privé désolé, y a pas de raison particulière j’ai juste pas envie de partager ça. Rien de spécial, enfin si d’ailleurs, tout est spécial, mais que veux-tu que je te dise. Quand même, petit florilège. Manger sur une aire d’autoroute en racontant nos déboires scolaires, c’est un peu une voiture d’intellos en vrai, et puis je remplis ma gourde heureusement, et on gueule qu’on va faire concert ici, allez hop faut animer (mais c’est une blague, et on gueule pas si fort). On papote en roulant, on parle de plein de choses, et j’me sens à ma place (malgré mon dos et le reste, qui m’empêche de participer comme j’aurais voulu, je dois faire des pauses dans mon écoute). Je chante la chanson de punk (les échos) avec un membre d’un groupe du fest, quand même. Mais pour la deuxième fois en deux mois, j’ai absolument plus de voix au moment où j’ai particulièrement envie de chanter avec des gens avec qui j’ai jamais eu l’occasion (oui y a deux mois c’était ma famille). Et on chante des trucs voilà, ah parce que certes y mettent de la musique mais aussi j’ai sorti mon carnet à chansons parce que j’en ai un peu trop parlé, j’ai plus de vois mais tant pis si ça ressemble à rien. Et voilà, voilà, voilà.
On arrive à Mâcon, le conducteur nous dépose, enfin pas vraiment parce que est-ce que ça compte comme déposer quand tu passes un bon quart d’heure à papoter encore (ça fait des blagues, je sors celle de intermittent de l’asthme je fais des spectacles de toux, ahem ahem), à faire des câlins et tout. Mais bon, après un ultime gros câlin groupé puis euh bah les câlins individuels, on se dirige vers la gare. On prend le train pour Lyon, les gens qui m’accompagnent doivent se demander si j’suis bien la même personne que le p’tit punk surexcité pendant le fest et la loque bavarde pendant le trajet, parce que là ça y est c’est les transports en commun donc je dis plus rien j’ai peur je suis tout stressé recroquevillé l’angoisse chevillée au corps, j’autiste un peu et somnole beaucoup la fatigue. Et Lyon, Lyon. Encore des câlins, encore des séparations, encore des échanges de numéros. Je prends le métro, sans me tromper de sens, réalise un changement impeccable, atteins mon bus, puis mon arrêt, puis mon appart. J’ai souri en marchant. J’ai envie de les revoir en concert, ces gens, et même sans concert. Ces gens sont magnifiques.
Mes blessures de guerre dûment répertoriées (pas du tout) en fin de fest : une griffure de chat à peu près accidentelle, une griffure de canette (ouais tsé je voulais la tournicoter avant de l’écraser pour prendre moins de place dans la poubelle, bah je l’ai déchirée, enfin j’ai fait ça deux fois mais la deuxième j’me suis ouvert un doigt), une mini griffure sur un pec qui vient probablement de ma propre veste, une vachement plus grande mais qu’est juste rouge sans coupure et qu’est venue se loger pile en superposition mais j’sais juste que j’ai remarqué son existence pendant Mégadef, et pis de vagues griffures sur les iep’. Bon et j’parle pas des courbatures et autres genoux qui lâchent ou quoi, ça ça compte pas c’est l’quotidien, pareil pour les poumons et les douleurs random. Mais pieds nus en fest et dans les pogos, c’est toujours aussi bon. Oui alors euh pour la postérité je précise que je ne recommande pas ça à tout le monde, mais moi c’est un kiff monstre. Me faire marcher sur les pieds j’crois ça m’a jamais fait mal physiquement. Genre j’vois un pied, j’dis oh y a ton pied sur mon pied, et voilà. Bah en pogo j’dis rien j’continue à rebondir c’est trop normal d’avoir des pieds partout sur toi et des gens partout sur tes pieds et tout ça. Arrivé chez moi en fin d’aprem, je tiens jusqu’à ce que l’eau chauffe suffisamment pour prendre un bain, et pars me liquéfier après toutes ces émotions (et cette crasse et cette sueur et ces douches à la bière). Et maintenant il se pourrait que je boucle légèrement sur certaines chansons. J’avais tellement besoin de rencontrer de nouvelles chansons, et des gens.
PS : pendant Mégadef j'crois, y a des daron-nes qui passaient en portant un enfant en slam, et j'me suis pris la godasse de l'enfant dans la tronche. C'tait fun.
Ah et attends j'ai oublié, tsé le gars a encore provoqué un wall of death pendant qu'on était sur scène, mais du coup j'me suis dit et pourquoi on en ferait pas un entre nous sur scène, on s'est fait ça à dix (à la louche) c'était merveilleux.
Pis j’ai oublié aussi le moment où on se marre en disant qu’on est vraiment en roue libre, ma pote a la tente et moi les tapis de sol, on a pas de trousse de secours parce que qui a besoin de ça au pire on a le nécessaire de couture et ptet un rouleau de scotch qui traîne, tranquille.
22-26 mai 2024.
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