J’aurais pu aller en cours pour le dernier trimestre de ma terminale. J’aurais pu passer mon bac, et donc l’avoir. J’aurais pu me choper une mention, un bon bagage pour la fac. J’aurais pu y aller, à la fac, faire de grandes études et passer un grand diplôme. J’aurais pu passer des années encore sur les bancs de l’école, à étudier des choses passionnantes et des conneries, j’aurais pu me trouver un métier et gagner plein de thunes. Mais j’ai choisi de vivre. J’aurais pu faire un effort, j’aurais pu essayer de vous faire plaisir, j’aurais pu me forcer à faire quelque chose qui ne m’intéressait plus. Mais, ô tristesse pour vous, j’ai découvert que la vie existait hors des murs de l’école. Et malheureusement, ça m’a plu. Plus grave encore : j’ai commencé à penser que, moi, j’avais le droit de vivre... Que je pouvais faire des choix pour mon propre plaisir. Pas de chance, ça m’a encore plu. C’est ma foi bien triste, j’aurais pu faire carrière, j’aurais pu être riche, j’aurais pu vendre mon âme, mais tel l’être débile que je suis, j’ai choisi de vivre. J’aurais pu entretenir mes cheveux longs, continuer de porter mes vieux jeans et mes baskets, mes tee-shirts devenant trop petits, mes sous-vêtements d’enfant. J’aurais pu garder mes beaux cheveux, faire de jolies coiffures, ressembler à quelque chose. J’aurais pu changer de fringues, acheter des trucs plus beaux, plus à la mode, plus classiques. J’aurais pu prendre soin de mon corps, de mon apparence, oser montrer ne serait-ce qu’une parcelle de bras ou de jambe sans trop de honte. Sauf que ça n’aurait pas été moi. Hélas pour cette personne que j’aurais pu être, je n’aime ni les faux-semblants ni la mode. Dommage pour toi qui voulais faire de moi une décoration à exposer dans tes bras, je préfère voleter dans le vent, libre de ton avis. J’aurais pu tenter d’être un canon, j’aurais pu chercher à être sexy, j’aurais pu essayer de me rendre désirable. Mais manque de pot, j’ai choisi de vivre. J’aurais pu grandir en même temps que tout le monde, commencer la perversité à l’école primaire, sortir avec des gens et les embrasser dès la maternelle, me gaver de bonbons pendant les récrés, me jeter à corps perdu dans le coca dès le collège. Sauf que bizarrement, j’ai fait ça en décalé, j’ai entendu “tu es très mature pour ton âge” de la part d’adultes pendant que mes camarades me traitaient de gamin parce que j’aimais les Playmobil, je me suis senti ridicule pendant des années parce que mon corps ne prenait pas le même chemin que le vôtre et que vos vannes de cul me passaient au-dessus de la tête, ou bien me choquaient quand je les comprenais. J’avais en horreur le contact humain et la piscine était un calvaire, les bonbons n’ont jamais su trouver le chemin de mon coeur et le coca me répugne toujours autant qu’à l’époque. J’aurais pu faire semblant, pour faire comme tout le monde, j’aurais pu essayer de vous ressembler. Mais pardon, j’ai choisi de vivre. J’aurais pu, quitte à changer de look, me déguiser pour ressembler à la petite marionnette que vous vouliez élever. J’aurais pu essayer de ressembler à la personne que les autres voyaient pour moi. Mais j’ai choisi de me glisser dans des vêtements amples et confortables, même si vous les trouvez laids. J’aurais pu couper mes cheveux pour en faire quelque chose de beau, de discret, mais j’ai voulu ma crête. J’aurais pu rester cet enfant innocent dont le style pouvait finir par plaire, tant de discrétion, de timidité et si peu d’affirmation, de personnalité. Mais j’ai fini par m’amuser des plaisanteries salaces, oser exposer mon corps aux regards extérieurs, et pas seulement mon cou, mes mains ou mes pieds, mais jusqu’à la quasi totalité de cet objet curieux qu’on doit, en bonne société, dissimuler à demi pour laisser le mystère attiser le désir. J’ai jeté la curiosité en pâture à l’oubli, puisque ce qui est supposé rester secret n’est avec moi qu’un nouveau domaine public. J’aurais pu conserver un semblant de pudeur, mais j’ai choisi de vivre. J’aurais pu jouer les caméléons encore longtemps, pour ma propre sécurité, votre plaisir et votre fierté. Mais pardon, j’ai fait mon choix, et je sais qu’il déplaira. Je sais aussi que beaucoup peuvent apprécier certaines de mes manières, façons d’être ou de m’exprimer. Mais je n’en ai cure, puisque c’est MA vie.
23 juin 2016.
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