Ok donc ça commence à être urgent que je fasse des directives anticipées.
Pas pour ma mort hein, fin j’devrais en refaire, mais j’parle pas de ça là.
Nan, j’parle de “consignes” à suivre pour les gens qui assistent à mes crises.
Pourquoi ? Parce que je vais pas bien. Je me noie. Je me noie déjà dans mes propres pensées, mais maintenant...
En 2020, on a déjà eu un ciel menaçant de guerre mondiale. C’était pas fun. On a eu aussi les incendies en Australie, je peux pas encore penser à tous les animaux qui ont crevé là-bas. Le réchauffement climatique dans son ensemble. Après on a eu les viols. On a eu polanski et matzneff, ça a duré, duré, j’aimerais faire une blague en disant que du coup ça a duré beaucoup plus longtemps qu’un rapport hétéro et donc plus longtemps que les viols de polanski (matzneff j’sais pas s’il abusait forcément de filles), mais ils ont pas fait ça qu’une fois, qu’à une personne, du coup nan. (Mais je garde ma blague sous le coude parce que j’ai plus que ça pour tenir.) Les viols, les dénonciations publiques, le #jesuisvictime, ça m’a rappelé un peu trop de choses que je préférerais oublier. Déjà ça m’a remis en tête toutes les fois où j’me suis fait violer, toutes les fois où j’me suis violé aussi (ça c’est ma façon de dire que j’étais pas consentant, j’avais pas envie, mais j’ai tout fait pour le cacher et je blâme pas la personne parce que sérieux y en a même qui ont tout fait comme il faut, m’ont laissé venir, ont demandé si je voulais vraiment etc, y en a eu des adorables, mais ça n’empêche que, moi, je me forçais, et j’peux pas me résoudre à leur dire, et encore moins à les considérer comme des violeureuses, parce qu’iels n’y sont pour rien, c’est ce que je m’infligeais à moi). Lire certains témoignages détaillés, ça m’a rappelé toutes les fois où j’ai failli me faire violer. Ça m’a fait considérer la gravité de certaines situations, certaines actions. Ça m’a fait me demander combien de fois j’ai violé des gens sans le savoir, parce que statistiquement c’est presque forcément arrivé. Parce que j’ai couché avec pas mal de gens quand même, et y a eu plusieurs meufs, et encore plus de queers, de NA, les gens qui subissent le plus de viols. Donc, si tu as couché avec moi et que tu n’en avais pas envie, sache que je ne suis pas au courant, mais que je m’en veux quand même, et sens-toi libre de m’en faire part. Si possible en privé parce que s’il y a des détails j’ai pas envie que des gens sachent ce que je fais quand je baise par exemple, si possible sans m’engueuler parce qu’après je pls, mais vraiment si possible, parce que tu passes avant. Ça m’a fait me demander aussi si j’étais pédophile, parce que j’ai couché avec des gens plus jeunes que moi depuis mes quinze ans, iels avaient toujours plus de quinze ans mais quand même. Ce qui définit la pédophilie c’est l’attirance et/ou le passage à l’acte sur des enfants, et j’ai jamais été attiré par des enfants, mais où est-ce qu’on place la limite de l’enfance y en a qui disent que c'est 18 ans, quand est-ce qu’on devient ado y en a qui disent qu'à 15 ans on l'est pas encore, quand est-ce qu’on arrête de l’être y en a qui disent qu'à 20 ans on l'est encore, et ce qui m’attire sexuellement c’est pas l’enfance, mais mine de rien y a quand même eu une question de jeunesse, est-ce que c’était seulement parce que j’ai peur des adultes, est-ce que c’était seulement parce que j'étais moi-même pas du tout sorti de l’adolescence (et aujourd'hui à 23 ans je le suis toujours pas mais y a peu de chances que j'aie envie de coucher avec une personne de moins de 20 piges), est-ce que c’est parce que je suis pas capable de grandir (parce que les trauma ?), est-ce que c'est parce qu'être non-binaire et autiste ça me donnera toujours un air enfantin, un visage enfantin, des pensées et attitudes enfantines, est-ce que c’est parce que je savais pas encore qu’il suffisait que je rencontre plus de NA pour voir que vingt-cinq ans c’est juste un âge et qu’on peut être des gosses quand même, est-ce que c’est juste parce que j’me suis un peu trop fait violer dans ma vie par des gens qui mine de rien étaient spécifiquement attirés par mon enfance, est-ce que c’est parce que je croyais qu’il n’existait que ça, est-ce que c’est parce que les personnes en question sont toujours (à ma connaissance) venues d’elles-mêmes vers moi, venues d’elles-mêmes vers mon lit, est-ce que c’est parce que je croyais simplement que je pouvais pas faire autrement que de coucher avec tout le monde tant que la personne avait plus de quinze ans et en avait envie (ou le disait, parce que je peux pas savoir qui a vraiment envie), est-ce que c’est parce qu’il y a eu trop de merdes incestueuses dans ma famille et que ça m’a impacté sans que je puisse comprendre pourquoi ? Je sais pas. Je sais qu’à l’heure actuelle, j’aimerais dire que je m’en veux pas mais la vérité c’est que je culpabilise pour chacune de mes actions et aussi pour les trucs qui ne découlent pas de mes actions parce que je suis un sac de culpabilisation extrême, bref je m’en veux pas plus que du reste parce que je pense vraiment que les personnes voulaient, mais il n’empêche que j’étais plus vieux et que j’étais censé être un peu un adulte même si je le serai jamais, à l’heure actuelle je me dis que vraiment non j’suis pas pédophile vu qu’un corps d’enfant va plus me repousser qu’autre chose. (J’ai déjà peur des enfants alors s’iels ont pas de vêtements imagine, je galère même avec mes neveux y en a un que j’ai dû changer et bordel de merde je m’excusais systématiquement en lui essuyant les fesses tellement j’aurais été mal à sa place et tellement j’étais mal de devoir toucher des trucs intimes de quelqu’un qui m’a jamais dit de le faire, je sais bien y avait pas le choix mais quand même, j’espère que quand il grandira il le vivra pas mal, bref.) Je sais plus pourquoi je parle de ça. J’crois que j’ai surtout essayé de prendre à la rigolade (extérieurement) ma peur de grandir, essayé de rire en voyant que des gens plus jeunes m’attiraient, essayé de blaguer sur le fait que je suis pas foutu d’être adulte alors que c’est ce qu’on attend de moi, pas foutu d’être fonctionnel ni rien. En tout cas je suis convaincu que “pédophilie” ça peut pas s’appliquer à moi, j’ai cru pendant longtemps que ça pouvait être “éphébophilie” (l’attirance pour les ados) mais y a quand même toujours cette notion de manipulation, de volonté perverse, alors que j’sais pas les copaines j’les vois comme des égales ou des gens supérieur-es à moi, j’ai pas d’autorité ni rien dessus, à la rigueur j’peux mettre un peu de lumière dans leurs yeux quand j’fais mes conneries c’est pas d’la supériorité, bref je sais pas c’était y a longtemps, je sais juste que toutes ces histoires avec les connards célèbres ça m’a fait me questionner en boucle sur tout ça, ça m’a fait spiraler sans porte de sortie. Ça m’a aussi fait me rappeler que j’ai jamais osé parler de mes viols aux gens qui connaissent les personnes qui m’ont fait ça. Je peux raconter à presque n’importe qui le mec qui m’a violé pendant un an y a longtemps (hey, au lycée hein, j’avais pas huit ans, il m’est rien arrivé avant mes quinze ans ou alors j'm'en souviens pas), sauf aux personnes qui le connaissent et le fréquentent voire l’aiment bien, même si ça me fait mal de te voir l’identifier dans un statut sans savoir, même si ça me fait mal de tomber sur sa gueule des fois quand je squatte ton profil, même si ça me fait mal de savoir que justement tu ne sais pas, et que si ça se trouve il a fait ça à d’autres gens. Je sais qu’il y a eu quelqu’un avant moi, je sais qu’elle avait six ans, je sais qu'elle a dû avoir tellement mal, qu’elle en est peut-être toujours pas remise dix ans après, et que ce qui lui a plu à lui chez moi, c’était mon enfance, même s'il avait mon âge. C'était ma vulnérabilité aussi. Je sais que toi, tu es venue me voir pour me dire merci, parce qu’enfin il arrêtait de vous emmerder, je me souviens tellement bien de ce soulagement pour toi, de ma responsabilité à moi parce que je vous devais bien ça. Je te devais bien ça, parce que je te connaissais depuis si longtemps, je pouvais pas te laisser face à un prédateur. Je sais pas s’il a changé. Je veux même pas le savoir. Je sais juste qu’il va probablement mieux que moi, même si ça aussi ça me fait mal de le reconnaître. Je me souviens aussi, à Lyon, bien plus tard, autre temps autre violeur, ce concert auquel j’ai refusé d’aller quand j’ai appris que, lui, il y serait, je me souviens de ton air dérouté quand j’ai dit que je voulais pas t’expliquer mais qu’il me faisait peur, que je voulais pas me retrouver dans un concert avec lui, je me souviens de sa façon d’arriver derrière moi pile ce jour-là et de me toucher, de m’attraper "pour un câlin", je me souviens de ma réaction épidermique, de mon rejet de mes cris, de son incompréhension à lui parce que je devais aimer me faire toucher, je me souviens de la panique dans mon coeur quand je l’ai senti sur mon épaule, une simple main mais qui me rappelait ce qui s’était passé si peu de temps avant, ce qui m’a fait tomber encore plus profondément dans mon automutilation sexuelle. Parce que, lui, il savait. Il savait que je ne voulais pas, que je ne voulais plus en tout cas, il a peut-être cru qu’au début je voulais mais il a bien vu ma peur, il a bien senti ma tétanie, et il a souri. Et ça m'a aussi empêché pendant plusieurs années d'aller me faire dépister, parce que j'avais peur d'avoir encore en moi un bout de lui. Mais toi, j’ai pas pu te le dire, parce que tu le connaissais. Je me souviens aussi de cette fille, à qui j’ai dit que je ne voulais plus faire un truc, je suis allé la voir pour discuter, je voulais plus coucher avec elle, et elle m’a embrassé, et elle m’a déshabillé, et elle pensait sans doute que j’en avais envie mais je savais juste pas comment lui dire non, je sais que je voulais pas, je me disais que peut-être elle allait s’arrêter, quand elle a commencé à faire ce que j’avais dit ne plus vouloir je me suis dit qu’elle avait dû oublier, qu’elle allait peut-être s’en rappeler et arrêter. Elle a pas arrêté. J’en ai parlé bien sûr, mais pas à elle, pas à ses potes. Peut-être à des gens qui l’avaient croisée, enfin, peut-être à une ou deux personnes, parce qu’en vrai j’en ai pas parlé à grand-monde. Parce qu’en général je refuse de me dire qu’elle m’a violé. Parce qu’elle était si douce. Parce que contrairement aux autres j’ai pas la certitude qu’elle ait fait ça à d’autres. C'était juste un concours de circonstances, elle me pensait capable de dire clairement non sur le moment si je voulais pas je suppose, je sais pas, j'pense qu'au fond j'préfère aussi me dire que non elle a pas fait ça à d'autres. Y a peut-être une personne qui fait exception à ça. Une personne qui m’a violé, qui ne le sait peut-être pas mais qui devrait savoir que ce qui s’est passé n’était pas du consentement, et ça, oui, j’en ai parlé à des gens qui connaissent la personne. Parce que j’ai grandi, j’ai changé, j’ai appris que j’avais le droit de parler, et à la différence des autres j’ai continué à y être confronté. Et je sais que la personne a fait du mal à beaucoup de gens. (Oui j’ai encore le dossier, les témoignages, et oui je finirai par en faire usage.) Je sais pas si d'autres se sont fait violer par la même personne, mais connaissant sa façon de faire c'est archi probable. Bref. Je devrais arrêter ça me fait si mal, mais peut-être que si je le fais aujourd’hui j’aurai pas à le refaire, je sais pas. J’ai besoin, besoin de continuer pour pas me dire que c’est pour rien, encore.
Et puis, après les nuages de guerre, les incendies, la pollution et le climat, les viols, maintenant c’est une épidémie, une pandémie. Pain de mie. Le pan démis, c’est moi. Bref. J’étouffe, j’étouffe. J’arrive pas à souffler, à reprendre un peu le fil de ma tête qui tourne, tourne et s’envole. Les actualités se succèdent, me frappent de plein fouet, j’ai aucun pouvoir sur tout ça mais je vois presque rien d’autre dans mon fil d’actu. Ça m’angoisse. Pas la maladie, pas l’idée de la choper ou de mourir, bien sûr. Même pas tant la possibilité que ça touche des gens que je connais. J'arrive même pas vraiment à y croire, à me dire que c'est dans la réalité que ça se passe. Surtout ce brouillard. Ce brouillard dans ma tête qui m’empêche d’aligner les pensées cohérentes, ce brouillard devant mes yeux qui m’empêche de penser à autre chose, de me dire que ça va aller. L’angoisse, la tension, les gens qui s’embrouillent de plus en plus, ça me bloque, je peux pas sortir de la spirale infernale de l’intérieur parce que l’extérieur spirale aussi. Je peux pas tenir comme ça.
Il paraît que je devrais voir une armée de psy. Chologues, chiatres. Et commencer par parler de ma culpabilisation extrême. De mes trauma.
Alors, si je meurs pas, faut que je fasse ces fameuses consignes. Comment ça marche ?
(Je me sers du modèle trouvé ici : https://commedesfous.com/guide-pratique-et-militant-de-la-schizophrenie/ )
-"En temps normal, je suis..." Je sais pas. Je sais pas comment je suis. Je sais pas ce que c’est “en temps normal”, parce que tout tremble et tourne en ce moment. Je sais pas si je dois parler de quand je vais bien, ou de mon état des derniers mois.
-"Je peux être en crise si..." Si on me ment. Si on me cache des choses pour me protéger/éviter une réaction supposée de ma part. Si on prend de la drogue (alcool, tabac et médicaments compris) devant moi sans me prévenir. Si on me fait dire des trucs que je cherche pas à dire, que je pense pas, si on m’accuse à tort. Si on m’engueule, si on engueule quelqu’un devant moi, si on est en colère en ma présence. Si on veut me faire faire un truc que je comprends pas. S’il y a trop de bruit, de lumière, parce que je suis déjà en permanence en surcharge sensorielle. Si on me dit certains mots, si je vois des organes génitaux. Si quelqu’un avec qui je ne suis pas à l’aise s’approche. Si on me touche (sauf exception, mais les personnes pouvant me toucher n’importe quand sauf contre-indication le savent déjà). Si mon corps a trop faim/soif/sommeil/toilettes et que j’arrive pas à m’en rendre compte. Si on annule un truc qui m’aurait fait du bien. Si je me sens forcé, s’il y a des obligations ou des interdictions. Si mon consentement n’est pas respecté (pas que dans un contexte sexuel). Si on me dit des trucs méchants. Si on me parle de mes chats ou mes autres bestioles. Si on ne me croit pas (ça veut pas dire que je peux pas faire d’erreur, mais si on me croit pas quand je parle de moi disons), m’accuse de mentir (je suis vraiment pas doué pour ça). Si je suis confronté à ma famille ou à mes ex, ou à n’importe qui m’ayant fait du mal/étant en colère après moi ou quoi (à moins d’une bonne raison). Si on me dit qu’un truc que je suis en train de faire est dangereux pour moi.
-"Si je suis en crise, je ne peux pas..." Etre raisonnable. Parler, souvent. Me contrôler, même si je suis en perpétuelle lutte pour garder le contrôle, que j’aille bien ou pas je dois forcer pour tenir, pour pas exploser, et quand je suis en crise je maîtrise beaucoup moins. Faire ce qui doit être fait. Ecouter ou retenir des informations. M’arrêter de chanter si j’ai commencé. M’arrêter de trembler, de faire du bruit, de bouger. Ou au contraire, bouger ou faire du bruit, selon les fois. Eviter de me faire mal. Prendre soin de moi.
-"Personnes soutiens et ressources à contacter" : bon bah du coup j'vais éviter de les mettre dans un truc public mais iels sont au courant et c'est sur mon fb
-"Pour m’aider, tu peux..." Je sais pas. J’en sais rien. Mettre une musique que j’aime ? Me donner une peluche qui me rassure ? Me parler de trucs qui me plaisent sans attendre de réaction ? Eloigner les gens s’il y en a (sauf quelques personnes qui le savent déjà) ? Me donner des objets qui m’amusent d’habitude ? Me lire une histoire ?
-"A éviter absolument..." Me faire interner de force. Même si je dis rien contre sur le moment, je ne veux pas, sous aucun prétexte, et si je suis en plein shutdown je risque de juste acquiescer à tout ce qu'on me dit. Me faire hospitaliser, me confronter à des médecins. Me filer des médocs. Toucher les endroits cachés par mon caleçon (même s’il est pas droit et qu’il s’enlève, ou même si j’en ai pas, les endroits qui peuvent être cachés par un caleçon). Crier. Me faire des reproches (c’est pas le moment, ça peut attendre). Tous les trucs cités plus haut qui peuvent me mettre en crise, ça va empirer. M’empêcher de me faire mal (genre si c’est juste planter mes griffes dans mon cou, laisse tomber, mais si j’essaie de me suicider devant toi bon t’as le droit de m’arrêter parce qu’il paraît que c’est un peu traumatisant de voir un pote se suicider). M’approcher et me toucher (sauf les personnes dont j’ai parlé : pour vous vaut mieux éviter de me laisser seul). Me mettre en présence de ma famille ou de mes ex. Me parler de sexe, de drogue, de trucs angoissants (genre le confinement).
16 mars 2020.
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