Je me réveille en nage, la peau en feu et la gorge en papier de verre, la bouche en désert. Chaque matin la chaleur me rappelle que, contre toute attente, je suis encore en vie. La sensation d’étouffer, de mourir de l’intérieur, signifie que je suis encore là. Je cuis. Mon âme fermente. Chaque soir, j’attends la mort, et trouve finalement le sommeil dans un épouvantable four. Mon corps brûle, les yeux me piquent et ma peau se craquelle. Mes muscles décèdent, plus il fait chaud moins j’arrive à boire de l’eau. Comme un masque moite sur mon visage. Je suis écrasé par l’atmosphère torride, mon âme se consume. Je me réveille avec au ventre une douleur lancinante, un poignard qui déchire mes chairs et broie mes résistances. Me lever empire la chose, comme si s’ouvrait vers mon coeur un chemin sanglant. Mais la peau de mon ventre est intacte. J’ai menti : on ne m’a pas planté un couteau dans les entrailles. Je suis simplement tombé sur le tesson d’un bout de truc cassé au sein même de mon âme. Un éclat de mes peurs, un fragment de certitude brisée, sur lequel je me suis roulé dans mon sommeil. Il y en a tant encore dans mon coeur et mon corps, attendant patiemment que je découvre ce qui est réparable, ce qui ne l’est pas. Je me réveille en pensant à toi, si proche et si loin à la fois. Je m’endors avec cette image de toi, si loin et si proche. Ta douceur, ta tendresse, ta fougue, ta passion. Tes erreurs, tes réussites incroyables. Toutes ces fois où tu as visé juste, si juste, sans aucun indice et à ma grande surprise. Je me réveille et je meurs un peu plus chaque jour de ne pas sentir ta peau, de la sentir si peu sous mes doigts. Je me couche et je revis un peu plus chaque jour de sentir tes lèvres, de les sentir si souvent sur ma peau. J’oublie souvent ton nombre, jamais ton nom. Tes marques sur mon corps ou sur mon coeur se multiplient et se résorbent. Je me réveille et je me trouble sous tes yeux, la pluie sur mon visage éteint ravive des flammes oubliées, et finit par crépiter comme sur des braises ardentes. Un four, un soleil. Ton nom en lettres d’or, tant de noms. Le feu de nos cheveux se répand sur les neiges éternelles, ombre glacée sur le désert onctueux qui froisse mon âme à chaque nouveau virage. J’ai beau crier les heures, j’ai beau chanter l’espace, toujours ton sourire revient hanter mes angoisses, jusqu’à l’envol. J’ai beau faire semblant, le voile de ton absence s’abat sur tant de présences que la tête m’en tourne, je suis troublé quand tu m’embrasses. Tu sais les mots, tu sais les baisers qu’il faut. Tu sais partir et me rappeler mes errances, tu sais me dire que le passé ne peut s’oublier. Tu sais sortir, te pavaner, tu sais masquer les preuves de ce futur qui ne s’efface jamais. Tu sais les sourires, tu sais les frayeurs, tu sais abolir l’envie de jours meilleurs. Tu sais glisser sur mes lèvres la fraîcheur d’un nouvel espoir, tu sais jongler avec les peines comme un frémissement sous la paupière. Tu sais parler, tu sais voir, tu sais caresser la rougeur dans le noir. Tu sais mes livres et mes mains, tu sais mes arbres et mes pieuvres. Tu sais sourire, tu sais t’éteindre, tu sais plonger dans mes noires pensées jusqu’au crépuscule de nos avances. Tu sais faillir et tu sais feindre, tu sais risquer le désarroi dans mes bras ouverts aux démences. Tu sais moi... “Je suis désolé, mais je te trouve extrêmement courageux.”
Je sais pas trop. Y a plein de bonnes nouvelles dans ma vie, je me sens bien. J’ai envie de courir et de sauter, parfois, ou juste de me poser tranquillement et de sourire. Je vais bien. Mais il se passe tellement de choses ailleurs. Y a tellement de copaines qui vont pas comme moi. Je sais pas trop ce que j’ai envie de raconter, ou non. On a décoloré quelques mèches de mes cheveux, pour les teindre, et puis finalement y en a quelques-unes qui sont devenues rouges, d’autres qui sont restées blondes. Et les blondes, elles ressemblent beaucoup plus à l’idée que je me fais de ma couleur de cheveux qu’à ma couleur effective. Je devrais peut-être en décolorer plus, non ? Et puis, à Lyon, j’ai mangé des pizzas et j’me suis fait tatouer. Plus de tatouages que de pizzas, d’ailleurs. C’est rigolo. Chaque fois que je regarde ma main, je souris, et je pense à ce crétin qui n’aura jamais le même tatouage mais presque, parce qu’on est stupides ensemble. Comment on fait, quand on a envie de parler, mais pas envie ? On écrit. Comment on fait, quand le corps veut quelqu’un, mais pas l’esprit, ou l’inverse ? Comment on fait, quand l’esprit et le corps veulent, mais sont incapables d’aller vers la personne, vers les personnes ? Comment on fait, pour savoir si on veut ? Comment on fait, pour savoir si on plaît ? Comment on fait, pour savoir si on nous plaît ? Comment on fait, pour savoir si on aime ? Comment on fait, pour savoir ? Comment on fait, quand on sait ? Comment on fait quand c’est oui, comment on fait quand c’est non ? Comment on fait quand les autres personnes, certaines c’est non et d’autres c’est oui ? Comment on fait, pour comprendre ? Comment on fait, si c’est moi, si c’est pas moi ? Et pourquoi je me pose toutes ces questions si je vais bien ? Ça me ressemble. Je suis une question. Mes cheveux, c’est un peu comme un Savane. Un marbré. Avec des fioritures rouges qui dégoulinent. J’aime mes cheveux. J’ai envie de faire du théâtre, à nouveau. J’ai envie de courir et de sauter, de tout escalader, j’ai envie de me battre. J’ai envie de nager, et d’apprendre à me battre, oui, encore. J’ai envie de chanter, de jouer sur scène, j’ai envie de faire tout ce que j’ai toujours voulu faire mais que j’me suis jamais permis. Ce que je n’ai pas osé, ce que j’ai oublié. Je veux me réaliser. Oui, j’écris encore pour dire ce que j’ai déjà dit, parce que mes mots changent, mes mots s’envolent différemment. J’écris pour dire que je vis, que je rêve, que j’espère, que j’existe. J’écris pour écrire, j’écris parce que ça me fait vivre. Mes rêves sont vivants, je rêve aussi de toi parfois. Je rêve de ce qui existait, de ce qui existera, je rêve de ce qu’on est aujourd’hui. Je sais que tu rêves aussi, je sais que tu es toujours là. Je sais que tu rêves, je rêve que tu saches. Je rêve d’oser, je rêve de t’avouer, je rêve de te raconter. Je rêve de cette soirée, où tu étais quelqu’un d’autre, je rêve de toutes ces heures où j’étais quelqu’un d’autre. Je rêve de ce soir, quand tu seras là. Je rêve d’il y a quelques jours, quelques semaines, quelques mois. Je rêve d’il y a des années, quand c’était tellement plus simple entre nous. Je rêve de tous ces gens que tu es, de tous ces gens que tu n’es pas. Je rêve de tout ce que j’ai été, de tout ce que je pourrais être. Je rêve d’être moi, je rêve d’être toi. Je rêve de ce rêve, je rêve sans dormir, je rêve de m’endormir. Je rêve à tes côtés, je rêve sans toi, je rêve de toi et pour toi. Je rêve de ma liberté, demain. Mon corps change. Ma voix change. J’ai perdu des notes. Pas des octaves, des notes. Comme une partition à trous, comme quelques lettres qui se sont évaporées. Je chante toujours, je chante autrement. Ma voix va grandir, comme le reste. Je suis grand. Je suis un enfant, mais bientôt, bientôt... Et dans ce lit je repense, je revois, je ressens. Son sourire, son odeur, son rire et ses peurs. Ses mains, ses yeux, ses pieds, ses lèvres, ses désirs. Et moi, et moi. Cette folie, les branches et mon bras brûlé. L’autre qui n’était pas vraiment là. Cette folie, les pizzas et la chanson qu’on écrivait ensemble. Les crêpes et mes genoux abîmés. Le pin et mes pieds. Le soleil et mon sourire. La mer et son rire. La montagne et ses chats. La ville et sa solitude, la campagne et ses habitudes. La maison et le bois, ses larmes et sa joie. La nuit et ses conseils, le jour et son sommeil. Je sens ses mains, je sens sa voix. Je sens la vibration de son coeur, sur le mien. Je vois mon doigt, et je souris. Je souris de ces demandes, de cette non-demande. De ces moments qui n’appartiennent qu’à nous, de ces jours que nous vivrons. Si tu te reconnais dans ces lignes, c’est que je parle probablement de toi. Si tu ne te vois pas partout, c’est que je ne parle pas que de toi. Si tu crois deviner quelque chose que je ne dis pas, c’est que tu te trompes. Si tu crois reconnaître quelqu’un d’autre que toi, c’est que ce n’est pas cette personne. Si tu crois que je suis fou, c’est probablement le cas. Si tu trouves que c’est flou, c’est que j’en ai rien à foutre...
6 juillet-18 avril 2019.
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