J’ai un nouvel ami imaginaire. Sa provenance est secrète, il a un show à assurer. Je sais bien, c’est dans ma tête, je sais bien, ça n’arrivera pas. Mais ça arrive, ça m’arrive toutes les nuits, ça m’arrive tous les soirs et ça m’reprend tous les matins. C’est pas vrai, mais c’est réel en vrai, puisque j’y crois et que j’vis dans mon illusion. Peu importe que lui ne le sache pas, peu importe que je ne le rencontre jamais, on est amis pour moi, comme au collège. Comme au collège, quand j’vivais de folles aventures avec des gens de ma classe à qui je n’avais jamais parlé. Comme en primaire quand j’avais des câlins de ce joli garçon dont je ne connaissais même pas le prénom. Comme au lycée, quand j’croyais à l’amour de quelqu’un qui ne se rappelait de mon existence qu’une fois tous les six mois, quand j’croyais à l’amour de ce p’tit bout d’humain qui avait été si merveilleux dans mes souvenirs, ce p’tit avec qui j’avais déjà tout vécu dans ma tête. Toutes ces histoires, j’les vis depuis toujours, elles étaient plus vraies que ma vie, quand ceux que j’aimais étaient loin, et puis j’ai laissé tomber, rangé mon panda au placard. Aujourd’hui, seul dans mon lit, je le ressors, tous les soirs, tous les matins, et dans tous mes rêves. Aujourd’hui, loin de ceux que j’aime, loin même si certains sont à un mètre, je dors sans m’endormir, je m’éveille sans sortir du sommeil. Je rêve, je réalité. Je fuis, je divise, je vis, je refuse. Faut absolument que j’apprenne à faire des chocolatines. Je m’amuse, je m’rembrunis, votre monde n’a jamais été le mien. Suis-je un extraterrestre ? C’est vrai que j’suis extra, parce que j’suis en plus. J’suis jamais nécessaire, toujours accessoire, mais fun, au moins. Dispensable, mais con-cool. J’ai un nouvel ami imaginaire, il va par paire. Il débarque dans mes rêves et dans mes moments de stress. Des regards fixés sur moi, ma sale gueule et mon pull, mais la porte s’ouvre et il entre. Distrait j’ai toujours les yeux baissés, mais j’lève la tête en voyant les chaussures, ouais encore un qui marche pas pieds nus. Sortir la face de l’eau, laisser les gouttes couler, noyer mes yeux, et regarder au travers de cette nuée, ce visage qui apparaît, c’est le sien, à nouveau. J’ai toujours rêvé d’être artiste, d’être un vrai chanteur, mais puisque j’le suis pas j’ai qu’à en avoir un comme ami. Tant pis s’il n’existe pas, tant pis si j’imagine son physique à partir de choses que j’connais, de gens que je vois. Pourquoi tu t’en vas ? Tes yeux crient tout ce que j’ai besoin de savoir, les mots sont inutiles entre nous parce que tu fais partie de moi. Un ami, c’est bien. Mais plusieurs, c’est mieux. Alors j’vais en inventer d’autres, tout un groupe, même si le plus simple c’est toujours le chanteur, puisque c’est le plus évident pour moi. Toujours. Alors quoi, le p’tit blond dans l’fond avec sa flûte de Pan, il compte pas ? Bien sûr que si. Mais j’le vois après quand même. Le chanteur, il s’appelle Lyss évidemment, parce que ses yeux clairs méritaient une fleur si douce et un Y. Le flûtiste, c’est Peter forcément, tu croyais quoi. De qui on a besoin ? D’un bassiste et d’un batteur il paraît, alors il me faut des jumeaux, parce que j’confonds ces mots. Et tant pis si ça vexe Mireille et Mathieu, les fameux. J’me plais pas, j’me conviens même plus. J'ai rien d'spécial, pas d'truc en plus, j'suis juste bizarre. Si mes doigts chantent sur le clavier, c’est juste que j’ai oublié de fermer le robinet, il est ouvert de puis l’lycée, et même avant, mon cerveau déverse sa poésie et rythme ma vie. Un téléphone sans C, sans T, sans H et sans logique. Insensé, pas d’santé, pourtant même pas d’drogue et des réflexions en cascade. J’écoute des gens, j’écoute des vibrations qui m’font vivre, il faut une guitare dans ce groupe, on en fait plus sans, eh ben tant pis y en aura pas y aura une flûte traversière et un accordéon, une clarinette et un chanteur d’opéra, merde ce s’ra moi, bon ben y aura un tambourin et un saxo. Combien de personnes ça fait ? Six, évidemment. En m’comptant. Fallait que j’sois le six. Histoire de fucker la logique. Leonard Cohen. Il me faut un xylophone. Tiens j’pourrais ajouter des animaux, c’est bien les animaux. Cinq amis, c’est bien, c’est une main, Artemis n’en fera pas une jaunisse, c’est un bon Viking. Dans mes rêves j’ai tous les talents, dans mes rêves j’me plais et j’me complais dans mes victoires. Dans mes rêves j’ai pas l’temps, c’est l’temps qui me donne tout qui s’donne à moi. Dans mes rêves t’es là, dans mes rêves vous êtes tous là, ravis de me voir enfin monter sur scène et chanter pour de bon. Dans mes rêves vous m’admirez tous, dans mes rêves j’suis une diva une idole, même pas prétentieux mais fier. Dans mes rêves je réussis tout c’que j’veux, il me faut un ordi ça devient critique besoin de foutre plein de conneries dessus de pas me soucier de le remplir de chocolat et de jus de pomme d’y foutre des fonds d’écran modifiés sur Paint avec tous mes crush’ toutes mes idoles tout mon moi. Mes doigts volent mes doigts glissent et trébuchent, je bûche pour surmonter les embûches, oui je sais ça n’a aucun sens mais en ai-je déjà eu ? J’ai envie d’écrire mes chansons, plutôt que de chanter les textes des autres, presque impersonnels même quand ils me font chialer de vérité. Quand j’pense à tous ces gens, tous ces potes, qui ont pris super cher niveau harcèlement, à l’école ou en-dehors, stp le pire que j’aie vécu c’est des graviers, lancés même pas fort, des insultes et des mises à l’écart, et pendant ce temps j’pouvais me réfugier dans ma tête dans mes rêves et chanter à en faire tomber les têtes. J’voulais être la réalité de ce rêve d’Henri. Et j’y étais, même si c’était juste pour moi. J’voulais que les potes de mon père ne soient plus les seuls à se pâmer en entendant ma voix s’envoler, tellement plus puissante que ce qu’on aurait pu croire en voyant mon p’tit corps freluquet, j’voulais leur faire friser l’apoplexie à tous, j’rêvais de leur fermer leur clapet en ouvrant ma gueule en pleine séance de “t’es moche tu pues personne t’aime” et de chanter pour de vrai, le rôle de ma vie, de tous les foutre au sol par la simple vibration de mes cordes vocales. Oh putain quand on drague on met des clins d’oeil mais je sais pas draguer c’est quoi cette merde qui a inventé cette tradition à la con j’vais pisser c’est mieux. Décousu ? Non j’ai recousu un bouton y a quelques heures. Je voulais être une star et le devenir pile au moment où on me jetait plus bas que terre. Que mon avènement les expédie à mes pieds. Oui là l’orgueil on le sent bien. C’est pas moi c’est le Japon. Le Japon a cliqué. Sur les Lacs du Connemara. Ouioui. Paradoxalement, c’est quand ma voix commence enfin à muer, à s’aggraver, que je me permets de ne pas faire d’efforts pour la rendre plus basse, que je lui lâche la bride, et qu’elle devient plus chaude, plus coulante, plus vive et plus légère. Je parlais de quoi déjà ? J’ai pas d’père. C’est pas un père, c’est un monstre, un criminel. Et j’aurais eu bien besoin d’un vrai père, à une époque. Aujourd’hui mon papa c’est moi, finalement. Ou mon chat. Qui gratte à la vitre et qui mange du carton et des matelas. Laissez tomber les sous-entendus sexuels, je suis en pleine phase ace depuis un certain temps. Ouais, c’est dégueu, à nouveau. Et ça m’fait un peu chier d’être comme ça là. Mais j’y peux rien. J’crois que j’pourrais faire jouir quelqu’un en l’embrassant, d’ailleurs c’est pas très loin de ce qui arrive parfois. Penser à respirer. Champion d’apnée involontaire. Je mets tout mon corps dans ces simples gestes, ça fait peut-être la différence. Mais quand ils me disaient que je resterais seul toute ma vie, je rêvais de savoir faire ce regard charmeur qui fait voler les coeurs, et aujourd’hui je suis capable de le faire, en rêve bien évidemment. Chaleur d’un espoir. Tu vois j’suis moi, j’ai des crottes de nez et des points noirs, toujours pas d’barbe ni de muscles, j’me soucie toujours beaucoup trop de ce que pourraient penser les gens alors que c’est moi qui penserais ça à leur place mais ils ne sont pas moi. L’une pour le ciel, et l’autre pour la nuit. Personne n’est parfait, ils mentent comme ils respirent, c’est comme une seconde nature ou peut-être même leur première. Fallait pas qu’elle s’en aille. Partir plus loin, atteindre les étoiles, c’est mon nom. Décrocher le bonheur, accrocher ton sourire dans les galaxies. Tu n’attendais que ça, j’aurais dû t’offrir autre chose. Trop de chansons se bousculent dans mes oreilles depuis l’intérieur, je ne contrôle presque plus, et pourtant je chante je chante je chante encore, et ce sourire rêveur, ce soupir d’aise alors qu’ils ne sont même pas là. Eux ou moi, moi qu’y crois... Tortue torture, HP et le squelette. A l’envers, à l’endroit. Depuis quand cette envie de changement ? Et encore, t’as pas vu le reste. En fait, si. Tout le monde m’a déjà vu en calbute. Comment on fait déjà, comment on sait des fois ? Comme la poule. Sa voix transcende, sa voix déclame, sa voix enveloppe et dessine, sa voix caresse et tue. J’en parlerai au diable, mais le diable c’est moi. Un soupir, un regard, la braise est si froide à côté de mes yeux posés sur toi. Tu as la chair de poule, parce que je sais exactement comment effleurer tes bras et ta nuque. Alors que je pourrais susurrer des mots, doux, je préfère simplement te coller contre un mur, ce n'est pas de la peur que je vois dans ton regard. Quand donc vais-je craquer l'allumette qui embrasera ton âme ? C'est comme si tu ne pouvais plus me quitter des yeux. Hypnotisé. Toi, tu ne sais pas que tu allumes un brasier lorsque ton sourire s'ébauche, mais je ne dirai rien. Ne compte pas sur moi pour me dévoiler, j'aime avoir toutes les cartes en main.Tu perds tes moyens, je n'ai qu'à sourire pour te faire perdre la tête. Parce que mon sourire est chaud, mon sourire est vrai, mon sourire est profond et tellement caressant. Mon sourire recèle des secrets indomptables, tu ne sais encore rien de ce que je sais faire. Ma voix te caresse et atteint ton âme, tu ne peux plus me résister. Tes mains tombent le long de tes cuisses, tu bats des cils, je dodeline de la tête et tu me suis. Tu ignores encore les risques à me laisser mener la danse. Mais il est trop tard, tu m'as abandonné ta conscience. Approche... J’avais déjà gagné, avant même que tu n’arrives dans cette pièce. Oh oui, la confiance en soi, ça peut se jouer, très facilement. Le regard me manque encore quelque peu, mais les mots sont là et les gestes sont instinctifs. Je les manie comme un virtuose son violon. Je ne suis pas né au bon siècle, la poésie est désuète, et ça ne me demande absolument aucun effort de la faire couler sur le papier, pas plus que de lancer ma voix, de la faire vibrer à en ébranler les tympans. Mes mots sont d’un autre temps, mes trémolos également. Alors quoi ? Je vais vous renvoyer dans le passé. Le monde va devoir s’adapter à un ouragan. C’est trop facile, quand tu connais le rodéo. J’arrête de compter, les chiffres ne m’importent plus. Challenge ? Pourquoi pas. Mais je voulais simplement créer ce groupe d’amis imaginaires, j’ai posé le contexte, voici la personne que je parviens à être dans mes rêves, et que je rêve d’incarner dans vos réalités, ailleurs que dans mes écrits. Je ne suis ce qu’il faut pour personne, je suis plus qu’un PNJ mais je suis surtout moi.
Bref, j’vais retourner à ma voix.
30 novembre 2018.
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