Comment on fait pour courir quand on n’sait pas si quelqu’un attend à l’arrivée ? Comment on fait pour lire quand on n’sait pas si le dénouement va nous plaire ? Comment on fait pour écrire quand on n’sait pas ce que pense notre personnage principal ? Comment on fait pour respirer quand on n’sait pas s’il est plus douloureux d’être privé d’air ou de continuer la lente destruction des poumons ? Comment on fait pour rire quand on n’sait pas si quelqu’un croit encore à ce sourire ? Si l’humour détend et dénoue, parfois il cache d’autres choses. Mais s’il a trop souvent caché le désespoir ou la colère, si les gens savent que trop de fois les lèvres n’étaient tendues que de force, comment on fait pour leur dire si c’est du vrai ou du flanc ? Comment on fait pour serrer quelqu’un dans ses bras quand on n’sait pas ce qu’il ressent ? Si la tendresse rassérène et rassure, parfois elle ne sert qu’à masquer la douleur ou les sentiments. Si un simple câlin n’est pas une promesse d’amour, on sait tous que parfois on recherche tout bonnement la proximité d'une personne. Mais si l’on ignore les intentions de l’autre, si l’on est incapable de décrypter les attitudes, et si en plus on ne sait plus interpréter nos propres émotions, comment on fait pour choisir nos réactions ? Comment on fait pour fumer la cigarette de plus quand on n’sait pas si c’est elle qui scellera le tombeau ? Si un peu d’nicotine peut calmer les nerfs, l’air vicié que l’on absorbe chaque jour est un poison qui parfois marque la fin d’une vie. Mais si on respire ce parfum rassurant par dégoût de la prudence ou par simple habitude, comment on fait pour accepter qu’un jour on devra arrêter ? Comment on fait pour résister aux pulsions, quelles qu’elles soient, quand on n’sait pas si le jeu en vaudra la chandelle ? Si l’on ne peut éviter tous les choix, certains sont plus draconiens que d’autres. Si la présence d’un autre est essentielle, peut-être n’est-elle pas bonne pour autant. Si on renonce à un événement pour passer du temps avec quelqu’un qu’on aime, ou si on décide de ne voir personne pour pouvoir lire tranquillement, on espère avoir eu la bonne idée. Mais si on élimine une possibilité, comment on sait si on ne risque pas de la regretter ? Comment on fait pour être heureux quand on n’sait pas si ça durera ? Si un visage resplendit de joie, ça fait toujours plaisir à voir. Mais si le temps arrache un bonheur, comment on fait pour continuer ou pour croire encore que le suivant viendra ? Comment on fait pour suivre du doigt une rainure, une vergeture, une rime impure, un muscle dur, quand on n’sait pas comment les autres vont interpréter ce geste ? Comment on fait pour rester végétal quand tout autour semble pousser au mouvement ? Comment on fait pour avancer quand on n’sait pas où mène la route ? Comment on fait pour changer quand on n’sait pas quoi décider ? Un jour, j’aurai peut-être la réponse à une seule de ces questions. Mais aujourd’hui, je me dis simplement que la vie est ainsi : faite d’incertitudes et de compromis, comme un espoir à moitié prix. J’suis capable de renoncer à presque tout pour les gens que j’aime, quitte à me détruire au passage. Mais qu’importe, tant que je sais encore sourire et faire rire ceux qui m’entourent ?
5 juillet 2016.
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