On nous a dit et répété de faire attention sur internet. On nous a rebattu les oreilles du cliché du pédophile déguisé en jeune fille. On nous a si souvent mis en garde contre ces gens qui font semblant, qu’on en a oublié de nous avertir que tout le monde peut le faire, sans se cacher derrière les frasques du virtuel. En fouillant dans ma mémoire, je parviens à me rappeler du début de plusieurs amitiés, comment tout a commencé. Souvent, c’est un simple hasard, coïncidence fortuite qui provoque la rencontre de deux êtres. Je reverrai toujours ce petit garçon timide dont l’air perdu m’a interpellé ce matin-là, précisément, alors que je ne l’avais jamais remarqué avant, juste le jour de son changement de classe. Ou bien cet individu qui a débarqué dans les commentaires, un jour, en random total, et qui a fini dans mon lit. Ce jour où j’ai voulu me faire discret avec mes pieds déchirés, mais finalement tout a sauté partout et il est monté sur mon dos tellement j’étais partout. Je me rappelle de ce premier message, cette façon si étrange d’approcher les gens. Je me souviens de ce lycée inconnu, de tous ces visages jamais vus, et puis de son sourire, si doux, son regard, si clair; elle avait l’air d’être amoureuse de la vie. Je me rappelle de cette première convo avec sa bouille, toute timide et mignonne. Je me souviens de cette soirée où tout aurait pu dégénérer, cette branche qu’il m’a fait mâcher, son doigt que j’ai failli arracher, son sourire qui m’aurait fait tomber. Je me rappelle de cette journée au musée, de ce chant au fond de la cour, de ces cailloux qui prenaient feu, de cette fameuse partie de Cluedo qui fut la seule de ma vie, de cet anniversaire, tous ces anniversaires, toutes ces rencontres. Je me souviens du bar, je me souviens des lumières, je me souviens des fontaines, je me souviens des lycées, je me souviens de Skypartouse et de Faceboob. Et à tant me souvenir, je peux comparer, et prendre conscience que, pour moi, toutes ces rencontres sont réelles. La première fois que je te parle, que ce soit à l’écrit ou à l’oral, la première fois que je te vois, que ce soit par webcam ou sans écran, c’est notre première rencontre. Oui, pour beaucoup d’entre vous, mes contacts fb, la connaissance se situe uniquement à l’écrit. Ou bien en tout cas par machines interposées. Pourtant, si nous sommes proches, ça ne dépend pas de la géographie. Si je t’aime, toi qui lis ce texte, je n’ai pas eu besoin de te tenir dans mes bras pour le ressentir. Si j’adore rigoler avec toi, je n’ai peut-être jamais entendu le son de ta voix pour ça. Si je crains le temps que tu passes sans moi, sans me parler, ta présence physique n’a bien souvent rien à voir avec ça. Ton sourire est pour moi le repos ultime, j’aime te faire rire, j’aime que tu me parles. Chacun de vous a sa place dans mon coeur, parce que je n’ai pas besoin de la réalité pour exister.
Bien sûr, ç’a toujours été toi, ce sera toujours toi. Bien sûr, tu as tous les visages du monde. Et pourtant chacun est différent, chacun est semblable, chacun est une âme soeur en devenir. La vie entière est faite d’une incommensurable joie forgée pour transcender ces peines et douleurs qui la brident et la transforment en paillettes insignifiantes. Les yeux qui brillent de savoir que tu me regardes, le sang qui palpite de ta voix et de tes sourires, l’esprit en ébullition de sentir que vous êtes deux, comme il en a toujours été, comme il devrait toujours en être. Toi et moi, nous et toi, moi et vous. Une éternité de caresses circonstancielles, de beautés émerveillées, de tendresses inavouées, de vies énamourées. Aujourd’hui je retrouve la transe qui me possède lorsque je chante, lorsque les paroles me font vibrer et que la musique m’enchante. Aujourd’hui je viens de retomber amoureux, de ces voix, de ces cordes, de ces sensations, aujourd’hui j’ai perdu la raison pour tes bras, pour ses lèvres. Aujourd’hui j’ai oublié la vie, mon petit monde et moi nous partons en voyage, loin de toutes ces irréalités. Mon corps se meut sans effort, sans choix de ma part, ces gens qui croient vivre leur chanson ne font en fait que me vivre. Musique, élévations, éthernité. L’enfer et ses dispositions sacrées. La scène, la scène, la scène. Je rêve de cet instant où je pourrai enfin remonter sur les planches pour m’en brûler les lèvres.
Laisse-moi papillonner, ou j'en meurs.
Tu le vois ce putain de papillon ? Il se précipite, encore et encore, sur la lumière qui va le tuer. Il se brûle, il se déchiquette, mais il persiste. C'est très con, un papillon.
La nuit c'est horrible, tu peux entendre le choc de son petit corps si léger contre le verre brûlant, tu vois son ombre gigantesque se projeter sur le mur, et revenir encore et encore à la charge de ce domaine que jamais il ne conquerra. Il met toutes ses forces à essayer, il y croit sans doute, mais il ne fait que se suicider dans la douleur. Si au moins il avait l'idée d'abréger ses souffrances, et de rester collé à ce qui le détruit, y plonger la tête la première pour arracher sa pauvre cervelle. Mais non, il s'éloigne et revient, il crame ses pattes et garde sa tête entière pendant sa longue et lente agonie.
C'est atroce, d'être un papillon dans la nuit.
4-24 mai 2016.
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