Apprendre à dire adieu
- leoapwal69
- 20 mai 2020
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 4 juil. 2023
C’était couru d’avance. Et pourtant j’ai couru en toute innocence dans le piège. Je devrais te détester, c’est moi que j’vais haïr, de t’avoir vu venir, de t’avoir laissé partir. Je devrais faire un trait, tourner les talons merci ciao, mais c’est ma veste que j’retourne, avec toute la rage et la fureur due j’arrache de mon coeur. J’devrais abandonner l’idée, mais j’vais m’laisser crever. J’devrais continuer, mais j’vais peut-être bien finir par t’aimer... Te voir arriver comme ça, débarquer avec tes gros sabots, c’était drôle. Je savais exactement à quoi m’attendre, et je savais que je ne ferais rien pour l’empêcher. Je ne connaissais même pas ton visage, ne me souvenais pas de t’avoir rencontré, tellement de gens et de choses se mélangent dans ma tête quand je pense. Et puis tes mots, et puis ta voix, et puis tes mots à nouveau. Et puis ton sourire, ta façon de bouger, jusqu’à tes fringues de merde parce que ça me faisait marrer. Tes yeux toujours un peu tristes, jamais passionnés, jusqu’à la rencontre. Un sourire, une vanne à la con, tes lèvres qui s’étirent et tes yeux qui pétillent. Un saut dans le temps, Tardis infernal, tes bras et ton souffle. La crainte de mal faire, de louper quelque chose. Ne jamais oser t’embrasser et pourtant dieu sait que je le voulais. Embrasser les autres, les serrer contre moi comme si tes bras, m’envoler vers les cieux comme si tes yeux. L’envol du papillon... Mais la fleur appelle, la branche mue, les nuages se massent dans un coin de l’univers. Tes bras, tes yeux, ton souffle. Le silence se fait quand tu me regardes, le coeur palpite sous ces frasques, le sang pulse jusque dans mes yeux rougis de larmes. Tes bras, tes yeux, ton souffle. Dans mon cou tes lèvres, puis les miennes et tes mains, un soupir pour ne pas oser. Tes bras, tes yeux, ton souffle. Soudain l’instant, le mot qu’il fallait, le mot qui s’était perdu en route. Tes lèvres, tes yeux, tes mains. Le souvenir de ces promesses, toutes ces bonnes résolutions qui s’envolent sous ta peau et ton sourire. Tes lèvres, tes yeux, tes mains. De plus en plus, de moins en moins, de temps en temps, de loin en loin. Tes mains, tes yeux, tes lèvres. Ce battement manqué et les joues rouges pour masquer les bras sur le visage. Tu as su percer mes défense, j’ai encore tenté la carapace, inefficace, j’ai encore fait vibrer la corde sensible, impossible. La liberté, au-delà de toute raison. J’ai cru rêver, j’ai cru mourir, j’ai soupiré à en ravir. Tes yeux, tes lèvres, ton corps. Tiédir la saveur d’une journée, fraîchir le sentiment d’iniquité, tes yeux posés et tes mains sur mes hanches, comme si jamais, comme si toujours, comme si plus rien. Ton sourire à voix basse, toujours, et tes gestes changés en secret. Te regarder quand tu ne le vois pas, chercher tes bras, perdre la raison. L’énergie qui circule à une cadence décérébrée, tes yeux encore, tes lèvres toujours. Laisse-moi fuir, ou je m’évade. Et soudain ce départ, soudain la brusquerie des remords, soudain l’ultime protection : la douleur de la distance. Laisse-moi fuir, ou je m’emprisonne... Tes yeux, tes lèvres, ton coeur. J’ai volé mes décisions, mis en éclats mes intentions. Je ne veux plus, jamais cru, jamais connu, encore perdu. Laisse-moi fuir, ou je me perds. Et puis tes bras qui me lâchent, tes mains qui s’éloignent, tes yeux qui se détournent, tes lèvres qui s’enfuient. A te perdre, j’ai perdu mon sourire. A te voir, j’ai perdu mon rire. A te savoir loin, j’ai perdu mes yeux. Ce froid mordant dans ma poitrine, ces crocs glacés qui se plantent dans mon coeur et le laissent gelé, brisé, anéanti. Tes yeux, tes lèvres, ma mort. Et les mains qui tremblent, les yeux qui frémissent d’avoir tant cru, et la belle douleur qui arrache les heures jusqu’au fond de mon coeur. Le temps brisé, le temps passé, le trépassé. Je t’ai perdu, et j’ai couru. Je m’suis égaré, et j’ai sauté. J’ai tout gâché, tout oublié, je t’ai laissé filer, je m’éteindrai. Je t’ai laissé partir, et j’me suis vu mourir...
28 avril 2016.
Comments