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Un trou de verdure où chante une rivière

leoapwal69

La caresse du vent m’emporte au loin dans un souvenir ancien, ténu, presque disparu. Rien qu’une image floue, un vague parfum, et une voix tout là-bas. Sur son cheval blanc... Dans un coin de la forêt, cachée sous les branches feuillues, la rivière argentée charrie de petites brindilles, qui s’accrochent et renaissent, indolores dans l’onde pure. Ces histoires que les trouvères ne chanteront jamais, des bribes de vie qu’on ne remarque pas à moins d’en faire partie, toutes ces petites choses qui font un bonheur éphémère. Les petites douleurs d’une enfance, les désespoirs d’une adolescence, les déboires d’une errance : tant d’apports qu’on n’ôtera plus jamais, tant de peines et de rires, tant de cicatrices inutiles et de rancoeurs rentrées. Tout ce qui fait grandir, tout ce qui fait détruire. Apprendre et oublier, chérir et tuer, parler ou crier. C’est ça aussi, un sourire. Cacher la peine, cacher la haine, cacher les frères et soeurs qu’on a pas eu. Donner un secret, confier une promesse, faire une illusion. L’attention qu’on a, ou qu’on a pas, comme des oiseaux graciles à l’envolée fragile. Petite pause sur la crête d’un espoir, le paon des apparences, sauver un avenir, sa croix et sa bannière. Naître, et n’être qu’un essai de perfection, un ersatz de beauté, de bonté. Grandir, souffrir de ce qu’on ne reçoit pas les guides pour la vie, partir. Partir chaque jour pour un nouveau départ, une nouvelle entaille dans la raison, un nouveau choix nouvelle région. Quand les mots s’enchaînent, les maux s’entraînent, les émaux se brisent quand se tissent de nouveaux liens. Sur l’échafaud de nos idéaux, quelques notes s’embrument, héroïques témoins de temps passés. “Y a eu Antoine avant moi, y a eu Dylan avant lui, après moi qui viendra, après moi y aura Panda”. A Lyon, il y a un parc, de la verdure autour d’un lac, un jardin botanique et des animaux. Tu mets des heures à en faire le tour, j’m’y suis promené comme un gosse, pieds nus le nez au vent les cheveux dressés. Déjà, un parc, des arbres et de l’herbe, c’est un mini paradis. Alors quand j’ai vu les plantes, la serre, lacération intense de la main que je tenais, j’ai sauté de joie. Jolis petits être immobiles, plantes carnivores, nénuphars géants. Mais ce n’était là qu’une exposition ponctuelle (sauf peut-être les nénuphars). Et soudain, ce fut l’apparition : les animaux. Bien qu’enfermés, ils sont beaux. J’ai jamais aimé les zoos, toujours détesté les cages et les ménageries des cirques, mais c’est pour l’instant le seul moyen d’avoir cette proximité avec des animaux qui vivent trop loin des endroits que j’ai visités. On ne verra jamais d’yeux aussi émerveillés que ceux de Leo face à l’arbre des pandas roux. Ils me regardaient, les yeux pleins de ce je-n’sais-quoi qui fait qu’un animal gagne toujours mon coeur. La consécration ultime : coup de foudre avec le couple de lions. C’est si beau, c’est si grand, c’est si rien à foutre... J’colle ma langue au grillage. Sous une pluie moqueuse, je te vois t’éloigner, ô mon enfance heureuse, dans une rue glacée. Quinze ans que c’est arrivé, des maisons jaunes dans la cour, quelqu’un qui chante du Francky Vincent, et ce gosse allongé par terre qui ferme les yeux et t’assure qu’il ne faut pas les lui ouvrir de force sinon il se changera en extraterrestre. Et puis, il y a Leo, pas gêné : quand on a soif, on boit. Y compris la rosée ou l’eau de pluie prisonnière du grillage de l’école maternelle. C’est un trou de verdure où chante une rivière, accrochant follement aux herbes des haillons d’argent. C’est un trou de mémoire plombant l’atmosphère, enivrant doucement les enfants du lagon, vivants. Etalage maudit de vices anormaux, disparaît la grandeur d’une époque lointaine. Et, sur une colline ambrée, la larme rouge coule sur le côté...



4 octobre 2015.

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