Illusion

Je plaisante souvent auprès de mes ami-es

Expliquant en riant que je n'existe pas

Je visionne, dissèque et raconte ma vie

Je suis une illusion, rien ne m’arrêtera

Imagine un été, festival ou concert, dans un lieu reculé, hippies, punks et grands-mères

Sur ton dos surgit un gobelin, qui piaille des trucs et des machins

Quel drôle d’énergumène, dans l’herbe il se promène

Toute la soirée il rebondit d’un groupe à l’autre de tes amis

Et partout à la fois il déborde d’énergie, si tu l’vois c’est la faute aux champis

Les copains, on est raides, belle hallu collective, demain on verra bien s’il pointe sa tête furtive

Je plaisante souvent auprès de mes ami-es

Expliquant en riant que je n'existe pas

Je visionne, dissèque et raconte ma vie

Je suis une illusion, rien ne m’arrêtera

Imagine t’es pion, tu connais l’nom d’certains élèves, mais bon pas tous, y en a des tas

Au bout d’six mois quand même tu vois à peu près qui est qui, sauf celui-là

Tu sais pas si c’est une fille ou un gars, mais peu importe, tu t’barres et tu l’reverras pas

T’es prof et un jour on t’annonce, nouvel-le élève à deux mois des vacances

Alors tu t’tournes vers le p’tit bout de silence que t’as jamais r’marqué

Manque de pot ça fait deux ans qu’il est dans ta classe, en mode invisible, tu penses

Je plaisante souvent auprès de mes ami-es

Expliquant en riant que je n'existe pas

Je visionne, dissèque et raconte ma vie

Je suis une illusion, rien ne m’arrêtera

Imagine ton pote habite chez toi depuis un mois, tu t’en fous toi t’y es pas

Tu t’en fous tellement, d’ailleurs, que t’éteins la lumière quand il lit dans l’escalier

Tu vois pas qu’il fait le ménage et tu t’tapes ta meuf quand il est à côté

Imagine ton mec tu lui parles tellement pas qu’t’as plu’ son numéro

Mais tu l’largues pas, nan, faudrait qu’il compte pour ça

Il est si dispensable que quand tu pars en vacances y a pas la place dans la caisse

T’as oublié qu’tu l’avais invité, pis tu l’as toujours dit, tes potes passent avant l’reste

Je plaisante souvent auprès de mes ami-es

Expliquant en riant que je n'existe pas

Je visionne, dissèque et raconte ma vie

Je suis une illusion, rien ne m’arrêtera

Imagine dans la salle de classe y a un gamin le bras en sang

Mais personne capte, personne dit rien, tant qu’ça dégouline pas sur la table

Même si ton pote s’ouvre les veines devant toi, toi tu vois rien, y a plus intéressant

Si ton p’tit voisin a l’poignet percé d’un œil dans la longueur, rien d’notable

Ton gosse se mutile, t’inquiète il va bien, pourquoi il irait mal d’ailleurs

Ton p’tit frère pleure et saigne, tu l’regardes pas, pas ton problème, tu dois faire tes heures

Je plaisante souvent auprès de mes ami-es

Expliquant en riant que je n'existe pas

Je visionne, dissèque et raconte ma vie

Je suis une illusion, rien ne m’arrêtera

Imagine t’es à une fête, t’as repéré un invité ridicule

Tu bitch sur sa gueule, tu t’marres avec les autres, sans même le voir assis par terre

Quand il saute par la fenêtre tu pouffes en captant qu’il a tout entendu

Tu vas pas t’excuser, pas aller l’repêcher, t’y es pour rien s’il est cassé

T’es juste normal-e, pourquoi t’irais t’encombrer des sentiments d’un objet

Je plaisante souvent auprès de mes ami-es

Expliquant en riant que je n'existe pas

Je visionne, dissèque et raconte ma vie

Je suis une illusion, rien ne m’arrêtera

Imagine ton pote embrasse ta meuf parce que ça la fait rire

Tu t’en fous c’est pas comme si elle pouvait te tromper avec ce clown

Ce gars n’a pas d’importance, quand tu t’le tapes même ta meuf s’en fout

Pas b’soin d’lui dire, avec lui c’est pas tromper, il existe pas

C’est qu’une parenthèse vague, un soupir dans le temps

Les gens qui couchent avec le préviennent pas qu’iels sont en couple

C’est jamais arrivé, il est pas réel, c’est qu’un fantasme ou un sextoy

Je plaisante souvent auprès de mes ami-es

Expliquant en riant que je n'existe pas

Je visionne, dissèque et raconte ma vie

Je suis une illusion, rien ne m’arrêtera

Imagine t’invites ton pote, ton mec ou ton frère, pour le week-end ou la s’maine

Et pas une fois tu lui proposes à bouffer, même quand tu manges devant lui

Un fantôme, ça s’nourrit pas, et même ça respire à peine

Tu l’oublies au magasin ou à une soirée, au pire tout seul il s’ennuie

Tu t’couches à pas d’heure, dans la chambre où lui dort depuis des heures

Tu fais un boucan d’enfer, mais ça change quoi, son sommeil fait pas ton beurre

Je plaisante souvent auprès de mes ami-es

Expliquant en riant que je n'existe pas

Je visionne, dissèque et raconte ma vie

Je suis une illusion, rien ne m’arrêtera

Imagine être une blague, un objet, juste le clown ou l’juke-box

Avoir de l’importance seulement quand tu divertis

Te faire tripoter, trimballer, comme si t’avais pas de corps

Mais imagine aussi, le matelas s’enfonce pas quand tu sautes sur ton lit

Les animaux sauvages fuient pas quand tu t’approches, faudrait p’t-êt’ respirer

Pas besoin d’air, t’as qu’à chanter, s’tu fais pas d’pauses tu peux pas t’évanouir

Je plaisante souvent auprès de mes ami-es

Expliquant en riant que je n'existe pas

Je visionne, dissèque et raconte ma vie

Je suis une illusion, rien ne m’arrêtera

Imagine t’as pas d’matière, les portiques te détectent pas

Quand tu grandis, ton poids change pas, et si t’en perds, personne te voit

Des jours sans manger, tranquille y s’passe rien, et boire c’est du détail

Les lois de la physique ne s’appliquent pas, à vingt-cinq ans tu fais l’yoyo avec ta taille

Même la pluie t’oublie des fois, tu te faufiles entre les gouttes

Tu prends si peu d’place, même les trucs pour enfants sont trop grands, déroutant

Je plaisante souvent auprès de mes ami-es

Expliquant en riant que je n'existe pas

Je visionne, dissèque et raconte ma vie

Je suis une illusion, rien ne m’arrêtera

Imagine tout est si drôle, si incongru, mais c’est ta vie

Et puis un jour en rigolant tu racontes que déjà pour tes parents

Tu n’étais rien, ta voix n’existait pas, à moins de hurler

Rien qu’un bulletin à exhiber, un singe savant pour les copains

Pas d’avis, pas d’envies, pas b’soin d’te raconter l’histoire de la famille

Et si ton frère s’en va sans toi, faudra cinq ans pour qu’on t’explique

Je plaisante souvent auprès de mes ami-es

Expliquant en riant que je n'existe pas

Je visionne, dissèque et raconte ma vie

Je suis une illusion, rien ne m’arrêtera

Imagine toutes ces blagues que tu fais, j’existe pas, j’suis une hallu, dispensable

Tu les penses, au fond, c’est tellement inscrit dans ta construction

Le monde te prouve tous les jours que c’est bien vrai c’qu’on t’a appris

Toi tu comptes pas, on peut t’jeter comme un mouchoir usagé

T’es juste du décor dans la vie des gens qui t’prennent

On peut te fumer à la gueule, t’es asthmatique mais qui ça gêne

S’tu craches du sang dans l’lavabo, tant qu’tu nettoies ça peut pas déranger

Je plaisante souvent auprès de mes ami-es

Expliquant en riant que je n'existe pas

Je visionne, dissèque et raconte ma vie

Je suis une illusion, rien ne m’arrêtera

Imagine, imagine

Imagine, tu y crois

Imagine, tout ça c’est toi

Imagine, rien n’est vrai

Imagine le passé

Imagine, imagine

Je plaisante souvent auprès de mes ami-es

Expliquant en riant que je n'existe pas

Je visionne, dissèque et raconte ma vie

Je suis une illusion, rien ne m’arrêtera

26 novembre 2023.