Débranché
- leoapwal69
- 17 nov.
- 4 min de lecture
Au fil des ans j’ai arraché tellement de fils de connexions
J’ai coupé moi-même les écrans tout est cassé tout est perdu
Je pourrai jamais retrouver les souvenirs données effacées
Je suis un PC débranché qu’on a zappé d’mettre au rebut
Je m’suis déconnecté de tant d’choses pour survivre
Les doigts au fond du corps j’ai arraché les gaines
Qui protégeaient mes sens des brûlures du dehors
J’ai affronté mes peurs et créé mes angoisses
J’ai jeté tant de sensations aux oubliettes de ma chair
J’ai coupé les ponts et les pièges guettant ma mémoire infidèle
J’me suis caché dans mon déni comme si j’les sentais pas revenir
Jusqu’à organiser moi-même une part de ma détresse actuelle
Comment me protéger sinon en m’effaçant
Si je n’existe pas je ne peux pas souffrir
J’ai détruit mes souvenirs pour avoir un présent
Pour respirer un jour j’ai brûlé mon avenir
Petit j’étais déjà doté d’une capacité étonnante
Pouvant sans peine déconnecter les sensations comme la douleur
Insensible aux températures je m’amusais à jouer les forts
Riant des réactions des autres de leur jugement et de leur peur
Bien sûr avec le temps le fait s’est élargi
Illimité en temps en quantité aussi
Surtout de nouvelles cibles la faculté grandit
Pour répondre aux attaques le cerveau se suffit
D’un coup de bistouri mental j’ai supprimé le goût l’odeur
Et le toucher pour les chatouilles stratégie de survie sexuelle
Déconnecté le corps du cœur pour avaler toutes ces conneries
Pour supporter ma vie d’alors j’ai fait une croix sur tout mon corps
J’ai fini par bloquer toute sensation physique
Ignorer les alertes les appels au secours
J’ai fini par pourrir lentement de l’intérieur
Coincé dans mon cerveau pour n’plus jamais subir
J’ai banni le pire comme le bon le poison comme le nécessaire
Emprisonné hors de ma chair j’ai souffert du manque volontaire
La nourriture ennemie vaincue se traînait encore à mes pieds
À trop vouloir me protéger j’ai cessé d’habiter mon corps
J’m’étais débarrassé de ces désagréments
La faim n’existait plus si je l’avais connue
Et elle eut beau tourner rôder au fond des os
Je la noyais sans peine sans même un p’tit verre d’eau
J’ai jeté loin de mes pensées ces sensations désagréables
Souvenirs d’un passé lointain auquel je n’avais plus accès
Et le plaisir ultime affront fut relégué au rang de lame
Car pour jouir il faut mériter et cette blessure hantait mon âme
Aujourd’hui je sens bien que mon corps veut revenir
Il tisse des liens secrets bravant mes interdits
Aujourd’hui je sais bien qu’il serait bon d’ouvrir
Enfin mon cœur au corps mais la peur me muselle
Je sens les fibres de mon être lutter pour réveiller mon corps
Pour lui donner enfin accès à ce système dans son entier
Je résiste je prends l’mords aux dents et j’essaie de m’enfuir
Parce que chaque nouvelle connexion est une souffrance trop grande pour moi
Le couteau dans ma chair ça me donne envie d’rire
La brûlure sur la peau même si elle creuse j’l’ignore
La neige qui rend violet j’sais même pas qu’elle est là
Et la claque dans ma gueule y a qu’mon œil qui en pleure
Avoir un corps ça fait si mal je devrais avoir l’habitude
Mais j’ai peut-être trouvé mon maître parmi les odieux filaments
Qui tissent entre mon corps vieilli et mon pauvre cerveau harassé
Une maudite communication sans mon accord à mes dépens
Si je me suis coupé depuis tlm d’années
De tant de sensations il y avait une raison
Comment les retrouver sans perdre la raison
Sans me noyer sans fin dans toutes ces agressions
J’ai une sérieuse faculté à débrancher sans y penser
Des collections accumulées de sensations irremplaçables
Puis à complètement oublier que j’les ai un jour débranchées
Quand l’une revient je crois mourir quand elle sont deux je veux m’éteindre
Je n’me souviens même plus d’avoir coupé ces fils
J’ai oublié le temps où je sentais les goûts
Les odeurs la douleur venant de l’extérieur
A-t-il jamais été je n’le saurai jamais
Maintenant que je me suis extrait de mes environnements toxiques
De cette vie dangereuse et ludique où je me suis brûlé les ailes
Je crois que je peux me permettre après des années sans physique
De rebrancher des sensations qui m’ont été traumatisantes
Si j’ai changé d’époque mon corps en a pris d’autres
Il a suivi la lente décrépitude du temps
Je reviens habiter à pas lents et méfiants
Dans un champ de bataille déserté par le sang
Y a toute une part de ma détresse qui vient probablement du fait
Que longtemps avant mon accord mon corps avait d’jà décidé
Que les connexions revenaient sans prévenir et sans précaution
J’me suis tellement coupé d’mon corps comment tu veux qu’je sache manger
Le temps d’être au présent est venu et s’installe
J’en ai marre de lutter contre tous ces branchements
Il est vain de rester au passé torturé
Parfois ça a du bon de vivre dans son corps
Au fil des ans j’ai arraché tellement de fils de connexions
J’ai coupé moi-même les écrans tout est cassé tout est perdu
Je pourrai jamais retrouver les souvenirs données effacées
Je suis un PC débranché qu’on a zappé d’mettre au rebut
Novembre 2025.






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