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Amnésier

leoapwal69

Je me souviens des rires perchés de mon enfance

De mes frangins taquins sur les lits encastrés

Les couvertures en vrac comme une maison d'poupées

Nos cousins ou tout comme dans mon sud de la France


Je me souviens des noms inhabituels et forts

Qui peuplaient les hauteurs de ce monde hors du temps

La poussière et les feuilles soulevées par le vent

Les jeux, les cris de joie qui résonnent encore


Je me souviens des balles remplies de poudre blanche

Qu'on pouvait écraser ou lancer dans la pièce

La fenêtre fragile, adolescences en liesse

Et moi, gamin débile agrippé à la branche


Je me souviens des lits et des murs en bois clair

De cette ampoule nue répandant sa lumière

Des moustiques voraces saturant l'atmosphère

Des plus grands allongés sur les matelas en l'air


Je me souviens du toit aux ardoises brûlantes

Que nous escaladions au coeur de la montagne

Des voisines frangines qu'étaient pas d'la campagne

Deux copines pour le jour, deux gamines amusantes


Je me souviens d'une chambre immense sous les toits

Le domaine des enfants, des jouets et des chats

Un hamac bleu et blanc oscillait en pacha

Pour suspendre le temps entre les poutres en bois


Je me souviens des vieux, des adultes en pétanque

Des règles compliquées pour savoir qui picole

La fumée de leurs clopes qui prenait son envol

Les volutes toxiques, et l'absence du manque


Je me souviens des fleurs, et puis des champignons

De la forêt touffue aux odeurs rassurantes

Sombre quiétude fanée de cailloux et de plantes

Fées et lutins riaient, ingénus compagnons


Je me souviens du sol et de toutes ces pierres

De la lumière chantante tombant d'un ciel clément

De ce bouquet d'orties où je plongeai gaiement

Pour ne plus me piquer qu'aux rochers des rivières


Je me souviens des rires, et de l'alcool, toujours

De longues soirées de veille et de visages rouges

Le plancher, tous les meubles, et le bois que l'on bouge

Tant de barbes et moustaches, grands pirates au long cours


Je me souviens des heures et des routes en lacets

Des vieilles maisons de pierre dans ce trou de verdure

Je pouvais respirer, perdu en pleine nature

Loin du temps, hors du monde, près de la liberté


Je me souviens d'ailleurs, de ce taudis peuplé

Aux murs nus et crasseux, aux vieux fourneaux graisseux

Tout était lumineux, mais en jaune et poisseux

L'habitant paresseux n'était jamais gelé


Je me souviens des blagues qui remplissaient les nuits

Du silence disparu dans ce lieu convivial

Où les cris et les rires dansaient dans l'air jovial

Pour nous faire oublier saleté et ennuis


Je me souviens des portes, de ces espaces vides

Un battant arraché, ou bien brisé en deux

Un autre remplacé par un rideau miteux

Rien ne fermait à clef et rien n'était solide


Je me souviens des vitres aux jointures qui craquaient

Quand on chantait trop fort ou quand le vent soufflait

De la fumée épaisse, cendres qui m'étouffaient

Cigarettes et pétards, pourtant je m'en foutais


Je me souviens du bruit et des odeurs odieuses

Qui découpaient la nuit en tranches d'opiacés

Air épais et pâteux aux reflets jaune passé

Irisé de picole aux vapeurs sirupeuses


Je me souviens de l'eau et de la douche éteinte

Robinets capricieux contre mes mains d'enfant

De la chambre étriquée où aucun éléphant

Ne brisa la vitrine de mes trésors qui tintent


Je me souviens du jour absorbé par le mur

Trop épais, avalant la fenêtre minuscule

Pièce sombre où dormir, les étés ridicules

Liberté illusoire sans placard à chaussures


Je me souviens de tous ces repas délicieux

Préparés en vitesse dans la lumière orange

Pâtes au beurre ou purée en sachet que l'on mange

Sur le pouce, sur le fil, coincé entre deux vieux


Je me souviens d'un lieu à l'atmosphère sordide

Violence, conso sauvage, un gosse en plein guêpier

Remugles de danger que j'feignais d'ignorer

Pour pouvoir croire encore à l'illusion putride


Je me souviens du sang étalé sur le sol

Parsemé des vestiges d'une bouteille fracassée

Sur un crâne importun, belle journée d'été

Les adultes bourrés, les enfants qui s'affolent


Je me souviens de leurs discussions endiablées

Débats houleux ou bien partage de passion

Vies broyées, morts hâtées, tourbillon d'émotions

Paroles précises et crues pour oreilles écorchées


Je me souviens du cul abordé comme les fringues

Des copains déchirés, des copines déprimées

Les joues gonflées, la rue, la crasse et les camés

Joyeuse chevauchée parmi les monstres, les dingues


Je me souviens des lignes et des cartes bancaires

Des briquets, de l'alu, des graines et des poudres

Des cachets, des aiguilles, du sang et des coups d'foudre

Des épaves bavantes qui se vautrent par terre


Je me souviens des heures à la fenêtre ouverte

Dans des voitures pourries pour passer la frontière

Pieds au vent, cheveux fous, sur la banquette arrière

Ou planqué dans le coffre, un soir en pure perte


Je me souviens des cris, du four jeté par terre

Par un pote en colère, dispute trop vivante

Rage vivace ou fugace, altercation violente

Scène un peu trop courante dans le vivier du père


Je sais bien que mes frères ont dû y exister

Je me souviens de la sensation d'leur sourire

Mais pas moyen de mettre la main ou bien le pied

Sur le moindre moment, le moindre vrai souvenir


16 août.

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